Cybercriminalité

Attention au détournement de l’affaire Megaupload

Faux site Megaupload

Avant de faire un billet plus approfondi sur le dossier Megaupload, un petit billet d’alerte sur une campagne de manipulation en cours sur les réseaux sociaux. Une adresse IP est diffusée depuis le soir même de la fermeture de Megaupload en promettant le retour du site, avec des messages du genre:

si on remonte quelques heures plus tôt dans la recherche sur Twitter on trouvait d’ailleurs le 18 janvier un autre usage de cet IP: la diffusion d’informations sur la façon de regarder gratuitement sur Internet le match Real Madrid – FC Barcelone:

Dès que cette IP a commencé à circulé j’ai senti qu’il y avait certainement un piège là-derrière, tout simplement parce qu’on ne relance pas un service comme Megaupload derrière une simple adresse IP, étant donnée l’infrastructure complexe qu’il faut pour accepter des millions de visiteurs par jour.

Mon tweet de vendredi matin ...

Cela s’est confirmé un peu plus tard avec différents blogs qui soulignent les incohérences (cf sur le blog reflets.info). Dès hier, PC Inpact a obtenu une confirmation « officielle » (sur cette brève).

Pourquoi une adresse IP ?

En fait ce site est aussi accessible par un nom de domaine trompeur: megavideo.bz (comme on peut le lire sur ce site en langue espagnole), mais il aurait été rapidement filtré par Twitter et d’autres formes de filtres. En effet, lorsque vous postez une URL dans Twitter, elle est automatiquement remplacée par un service de redirection de Twitter (http://t.co/) qui leur permet de repérer et de bloquer les URL dangereuses (j’en parlais au mois de juillet ici-même).

Et il semble donc que, malheureusement, le filtre mis en place par Twitter ne fonctionne pas encore pour les adresses IP.

Conclusion

La version accessible aujourd’hui est tristounette:

Et pour cause, la première version de la page se contentait d’être un copier-coller du site original avec dans le code des liens vers les images et les scripts CSS (qui régissent la présentation) hébergés sur www-static.megaupload.com … qui depuis a été débranché, vraisemblablement dans le cadre de l’enquête en cours. On note au passage les liens Facebook et Twitter qui incitent  rediffuser l’adresse et le message larmoyant qui avertit sur les risque de hameçonnage… (oui à quoi peut servir une telle audience ?).

La bonne résolution du jour que je vous recommande est donc: je ne retwitterai pas l’adresse IP du nouveau site de Megaupload (qui n’en est pas un).

Allez voir « Polisse »

22h15 hier soir, la lumière se rallume doucement dans la plus grande salle du Forum des Halles pendant que le générique de fin défile, dans un silence presque total. Le public est scotché dans les fauteuils. Deux heures viennent de s’écouler où nous avons partagé une année de tensions, d’action, d’auditions, de nausées, de franches rigolades, de crises de nerfs, d’élans d’amitié, de détresses humaines, de familles blessées, des regards d’enfants heureux malgré tout et d’adolescents souvent paumés.

Cerise sur le gâteau, Maïwenn entre dans la salle, inquiète de savoir pourquoi le public se déplace si nombreux pour voir son film. Les réponses fusent: les acteurs (JoeyStarr mais les autres aussi), le sujet, l’affiche… Pourquoi ils ont aimé ce soir: l’absence de parti pris, les qualités cinématographiques, les acteurs formidables.

J’allais voir ce film avec à la fois un grand intérêt, comme à chaque fois qu’un film parle de notre travail ou du travail de nos collègues, avec des acteurs que j’aime beaucoup (Marina Foïs est exceptionnelle ici encore) et quelques inquiétudes (Joeystarr en flic je n’y croyais pas trop). J’en suis ressorti – et je le suis toujours ce matin – sous le charme, estomaqué, presque retourné.

On y retrouve ce pourquoi on fait ce genre de métiers: le service du public, le contact avec la vraie vie et l’impact concret que l’on peut avoir sur la vie des gens, le travail en équipe, la richesse des relations en général et peut-être le goût pour une matière à la fois technique et humaine. Mais ce film est encore plus riche que cela, un véritable travail d’observation sur l’humain et la société aujourd’hui, au travers du prisme de ce groupe de la brigade de protection des mineurs, fictionnel et en même temps tellement réaliste.

Si vous devez voir un film en ce moment, c’est celui-ci, vous ne le regretterez pas.

Note pour mes lecteurs habituels: le scénario n’est pas centré sur les aspects numériques de ce travail de policiers d’une brigade de protection des mineurs, même s’ils sont évoqués. N’y allez donc pas pour ça, mais réellement pour voir un très beau film sur ces métiers et notre société.

Internet et ses abus: il faut s’y confronter et non les nier

Les terribles évènements du 22 juillet à Oslo ont entraîné le débat plus que prévisible de l’impact d’Internet sur les actions du principal suspect. Alors que l’enquête ne fait que commencer, que la douleur des familles est loin d’être apaisée, les commentateurs sont appelés sur les plateaux de télé pour évoquer l’impact d’Internet sur de tels actes de terreur. Ce soir, Laurent Joffrin (@laurent_joffrin) s’essaie au difficile exercice de dessiner les sources d’inspiration possibles du terroriste. Bien évidemment il cite parmi les hypothèses probables l’accès facile à certains débats de haine sur Internet, et conclut en soulevant le danger de laisser notamment se développer sans contrôle certains sites Internet francophones. On lira aussi cette interview de Jean-Yves Camus sur Rue89.

De façon toute aussi évidente, les enthousiastes de l’Internet, se sont empressés de critiquer ces points de vue, certains n’hésitant pas à nier le rôle que peut jouer un outil de communication aussi puissant dans les grands évènements de notre société.

Dans le cas présent, même s’il est certainement beaucoup trop tôt pour conclure trop radicalement, il semble parfaitement légitime de questionner l’usage qu’Anders Breivik a pu avoir d’Internet, ne serait-ce que par sa façon de mettre en scène sa présence sur le net quelques heures avant de s’en prendre à des dizaines d’innocents.

Une fois de plus ne mettons pas la tête dans le sable

Voilà quelques mois, j’invitais mes lecteurs à ne pas faire l’autruche, et se rendre compte que oui, Internet, ce média formidable de communication et de développement de nos sociétés, est aussi abusé et la délinquance sous toutes ses formes, notamment portant atteinte aux mineurs, s’y développe, peut-être un peu plus vite ou de façon plus variée que si Internet n’existait pas.

Dans le cas présent, il faut se rappeler à cette réalité: oui, Internet a pu jouer un rôle. Et non, ça ne veut pas dire qu’Internet est responsable (ça n’aurait d’ailleurs pas de sens), mais il est parfaitement irresponsable de ne pas se rendre compte, notamment pour les professionnels de l’Internet, que les messages de haine, les théories les plus saugrenues sur notre société, se propagent plus vite, se développent plus vite et ont peut-être une influence plus rapide et plus efficace sur certaines personnes, grâce à ces mêmes technologies formidables qui rendent les échanges plus riches chaque jour, la communication plus libre et la pensée certainement plus riche.

Une prise de conscience nécessaire pour le bien d’Internet

De la même façon qu’il n’est pas vraiment raisonnable de renoncer au progrès dans les moyens de transport, parce qu’ils présentent des risques, parce qu’on peut avoir un accident sur la route ou se faire agresser dans un train, il faut favoriser les comportements et développer les technologies qui aideront à faire qu’Internet soit plus sûr et à en maîtriser les dérives les plus graves, tout en préservant les bienfaits qu’il apporte.

Un chapitre collaboratif ?

Photo de Rahego

Un article un peu inhabituel et court pour lancer un appel à commentaires auprès de mes lecteurs sur leurs sujets de préoccupation du moment en matière de cybercriminalité.

J’ai commencé depuis quelques mois la rédaction d’un livre sur la cybercriminalité et la cybersécurité et l’idée ici est d’en consacrer une partie, soit dans les chapitres déjà prévus, soit dans un chapitre à part, aux questions, aux préoccupations du moment, de mes lecteurs.

A vos claviers ! Toutes les questions et tous les commentaires sont les bienvenus.

Un exemple particulièrement naïf de mail de phishing

Je reçois à l’instant ce message de « phishing » manifeste, et je ne résiste pas au plaisir de le partager et d’en profiter pour parler de ce sujet:

From: "Webmail User Upgrading" <info@mail.com>
Reply-To: webmaster.102@hotmail.com
Subject: Email Upgrade Maintenence.
Date: Thu, 14 Jul 2011 17:22:15 +0630
Message-Id: <20110714105215.M8209@mail.com>
X-Mailer: OpenWebMail 2.53
X-OriginatingIP: 82.128.XXX.XXX (c-tides)
MIME-Version: 1.0
Content-Type: text/plain;
	charset=iso-8859-1
To: undisclosed-recipients:;
X-Spam-Check: DONE|U 0.5/N

Attn: Email Users,

Due to numerous complaints on ongoing recent spam activities on your account,
vital maintainance will be conducted on our Email servers.

To confirm and to keep your Email account active,a confirmation for ownership
must be provided. Confirm the informations below.Failure to do this might
cause a permanent deactivation of your Email Webmail account from our server.

Username : ..................
E-mail Login ID..............
Password : ..................
confirm password:............
Date of Birth :..............
Future Password :............
Telephone Number:...........

Your account shall remain active after you have successfully confirmed your
above requested informations. We apologize for any inconveniences caused as a
result of this notification. We thank you for your prompt attention to this
notification.

Email Technical Support

Copyright 2011 Email. All Rights Reserved.

Je n’ai pas copié tous les en-têtes et j’ai masqué l’adresse IP d’origine. Le principe en est assez basique:

  • le message est écrit de façon générique, de façon à ressembler pour n’importe quel lecteur trop rapide à un message semblant provenir de son fournisseur de webmail. Notamment, aucune marque n’est utilisée, même si l’adresse de retour est en hotmail.
  • la tonalité du message est alarmiste, c’est une catégorie typique de message de phishing: si jamais vous ne répondez pas rapidement, votre service cessera de fonctionner. C’est un des ressorts de l’escroquerie qui cherche à créer un état particulier dans l’esprit de la victime.
  • les réponses demandées sont assez classiques: login, mot de passe, futur (!) mot de passe, date de naissance, numéro de téléphone. L’objectif est clairement ici d’obtenir accès à des webmails, ce qui permet à la fois de collecter des informations personnelles déjà stockées (des mots de passe reçus par mail par exemple), de procéder à mises à jour de comptes sur d’autres services, obtenir des listes de contacts, renvoyer depuis cette adresse des courriels, etc.
  • le système de gestion de messagerie utilisé est OpenWebMail, installé sur le serveur d’une université Indienne, depuis une adresse IP qui se serait identifiée auprès du serveur comme le club d’entrepreneuriat de l’université.

Aucun prestataire et notamment pas un prestataire de courrier électronique Web ne vous demandera de confirmer votre login et mot de passe par courriel. Lorsque vous lisez et répondez à un message douteux, regardez à la fois l’émetteur du message (le champ From: ici ou De: dans votre logiciel de messagerie) et si vous êtes amenés à répondre, attention à l’adresse de réponse qui vous est proposée (le champ Reply-to: viendra compléter l’adresse de destination automatiquement). La langue enfin: il n’y a aucune raison qu’un prestataire français vous écrive en anglais.

Cet exemple était caricatural, mais je suis convaincu que malheureusement certains tombent dans le panneau. Alors attention aux messages que vous recevez, relisez toujours deux fois un message qui semble important, et n’envoyez jamais votre mot de passe en réponse à un tel message !

Lancement de trois sous-projets de la préfiguration du centre d’excellence français contre la cybercriminalité

Les 23 et 24 juin derniers, les équipes de trois sous-projets du volet français du projet européen 2CENTRE étaient réunis à l’Université de technologie de Troyes. Ce billet pour vous présenter le contenu de ces premiers ateliers.

Formation en ligne des premiers intervenants

L’ambition est ici de créer une formation attractive et accessible pour tous les enquêteurs qui sont confrontés de près ou de loin à des investigations simples sur Internet. Cette initiative a germé lors de travaux communs menés au sein du Ministère de l’intérieur – entre les services spécialisés de la police et de la gendarmerie nationales – au cours desquels nous avons identifié qu’il était complexe de compléter rapidement et efficacement la formation des plus de 100.000 personnels concernés. Il s’agit des policiers et des gendarmes, dans les brigades de gendarmerie et les commissariats notamment, et qui accueillent un public de plus en plus souvent victime d’infractions liées à Internet ou à l’outil numérique, mais aussi dans des services spécialisés lorsqu’ils sont moins souvent confrontés à des infractions spécialisées.

Il a donc été décidé de proposer un module de formation à distance, qui aura l’avantage d’être facile à déployer, à mettre à jour et éventuellement à partager avec d’autres administrations françaises ou étrangères chargées de ce type d’investigations.

Formation en ligne sur l’analyse de Windows 7

Il s’agit ici tout simplement d’offrir un outil de référence permettant aux enquêteurs spécialisés déjà formés (NTECH dans la gendarmerie et ICC dans la police) de mettre à jour leurs connaissances sur les spécificités de Windows 7. Jusqu’à présent nous diffusions ce type de formations complémentaires lors des réunions annuelles (mais tous ne peuvent y assister) ou par la diffusion de documentations.

Ici encore, le produit sera partagé avec nos partenaires européens.

Projet de recherches sur la détection d’intrusions distribuée

Ce dernier projet est un travail collectif qui sera mené sur 18 mois pour permettre le test de méthodes permettant la détection d’intrusions dans des grands réseaux grâce à des méthodes distribuées, avec le souci de rendre les implémentations compatibles avec les besoins de l’investigation numérique.

Ces premières descriptions de nos travaux vous montre, je l’espère, la variété des activités que nous souhaitons développer dans le cadre de cette préfiguration du centre d’excellence français contre la cybercriminalité et l’intérêt de faire travailler ensemble des acteurs provenant de différents univers (services d’enquête, monde académique, entreprises).

Lancement du projet 2CENTRE

Mardi 31 mai, se tenait le lancement du projet 2CENTRE visant à la création d’un réseau de centres d’excellence pour la formation et la recherche contre la cybercriminalité. L’événement s’est déroulé en duplex entre Paris et Dublin où avait lieu une conférence organisée par nos partenaires irlandais de l’UCD.

La naissance du projet

Le projet a germé voilà trois ans déjà, et sa première étape fut un rapport rédigé par Nigel Jones et Cormac Callanan à partir des contributions des différentes partenaires potentiels (télécharger le PDF ici). Il s’agissait de donner une dimension opérationnelle aux travaux menés par le groupe de travail européen sur la formation en cybercriminalité (ECTEG), c’est-à-dire des espaces où pourraient effectivement se développer et être délivrées les formations pensées à l’ECTEG, dans un esprit de partage et aussi avec le souci de ne pas former uniquement les services de police mais aussi l’ensemble de nos partenaires. Le projet qui comporte bien évidemment une dimension de recherche scientifique pour soutenir la formation a pour ambition d’associer à chaque fois l’ensemble des parties intéressées autour d’un partenariat fort: universités/établissements d’enseignement, services de police, industriels concernés.

La première étape

La première étape a consisté, avec le support de la Commission Européenne, à identifier les premiers pays où la création de tels centres était possible rapidement et d’initier une structure permettant de les mettre en réseau.

En France, nous avons rassemblé au cours de deux réunions, l’ensemble des partenaires potentiels, auxquels le projet a été expliqué et une première équipe a été constituée pour présenter un dossier en vue d’un financement européen.

Ainsi, dans un premier temps, la France et l’Irlande se sont associées pour profiter de la dynamique qui y préexiste. C’est le projet que nous lancions mardi et qui comporte trois composantes principales:

Dès le mois de janvier 2010 nous recevions le feu vert du programme ISEC (Prévention du crime et lutte contre la criminalité) de la Commission Européenne.
Dans un temps très proche, la Belgique a initié un projet frère le B-CCENTRE dont le lancement s’est tenu la semaine dernière et l’Estonie ne devrait pas tarder à suivre, comme de nombreux autres projets qui commencent à émerger en Europe et peut-être dans d’autres régions du Monde.

Le contenu du projet de centre français

Le projet de centre français rassemble déjà de nombreux partenaires: l’université de technologie de Troyes, l’université de Montpellier, la gendarmerie et la police nationales, les sociétés Thalès et Microsoft France. Orange France soutient financièrement l’initiative.

La première activité consistera, autour de ce premier noyau, à créer concrètement le centre français. Sa particularité est qu’il s’agira de mettre en réseau l’ensemble des parties prenantes qui partagent avec nous le même objectif de contribuer à la lutte contre la cybercriminalité par la recherche et la formation. Donc seront amenés à nous rejoindre, au cours des prochains mois d’autres partenaires académiques, industriels et services d’enquête spécialisés.

Deux séries d’activités concrètes couvrent ensuite les aspects de formation et de recherche:

  • une formation en ligne pour les premiers intervenants: il s’agit d’offrir un module d’initiation à la cybercriminalité aux policiers et gendarmes, notamment ceux qui accueillent le public et donc reçoivent les premières plaintes et mènent les premiers actes d’investigation;
  • un module de formation en ligne sur l’analyse des systèmes Windows 7 pour les enquêteurs: au-delà de ce premier projet il s’agit de tester en grandeur réelle ce type d’outil de formation permettant la mise à jour des compétences des enquêteurs spécialisés;
  • l’amélioration et la formalisation des enseignements existant pour les enquêteurs spécialisés: l’objectif est de consolider les formations existantes et éventuellement de partager certains de ces modules clés en mains avec des pays partenaires;
  • un projet de recherche sur la détection distribuée d’intrusions sur les réseaux;
  • une étude sur les besoins en formation, notamment pour identifier les besoins des entreprises (petites et grandes) et en particulier les acteurs qui sont en premier en contact avec les services d’enquête spécialisés (prestataires Internet, fournisseurs d’accès, opérateurs), qu’il s’agisse de proposer des cahiers des charges pour la formation continue ou d’inciter les formations existantes (notamment d’ingénieurs en informatique ou en sécurité des systèmes d’information) à inclure des modules sur l’investigation numérique et le lien avec l’enquête judiciaire;
  • l’animation d’une communauté francophone pour le développement d’outils d’analyse forensique (au départ autour des systèmes de fichiers), avec la volonté de contribuer activement à l’opensource dans ce domaine;
  • la création d’outils de sensibilisation pour les petites entreprises;
  • l’évaluation de modules de formation européens préexistants (certains modules déjà développés, notamment dans le cadre d’ECTEG, doivent être évalués selon des standards académiques).
Bien entendu, ce n’est qu’une première étape et d’autres projets verront le jour. Ils recevront l’appui du centre français, et seront initiés par ses membres actuels ou par de futurs partenaires.
***
Rendez-vous donc dans les mois qui viennent pour les premiers résultats de ce projet et un grand merci à l’ensemble de ceux qui y contribuent déjà ou par avance à ceux qui nous soutiendront dans le futur.
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La légitime défense numérique – Le Cercle

Le Cercle européen de la sécurité des systèmes d’information organisait jeudi 28 avril 2011 à 18 heures une table ronde sur le thème de la légitime défense numérique.

Le débat était animé par Yann Le Bel de la SNCF, et rassemblait Guillaume Tissier de CEIS et Philippe Langlois de P1Sec.

Guillaume Tissier a d’abord résumé le contexte actuel des attaques contre les systèmes d’information, de la cybercriminalité et de la cybersécurité en général, en soulignant les risques particuliers auxquels sont confrontées aujourd’hui notamment les entreprises. Ensuite il a rappelé le cadre juridique de la légitime défense.

Sur le plan pénal, le concept de légitime défense est défini comme une exception, au travers d’une cause d’irresponsabilité. Ainsi dans l’article 122-5 du code pénal il est indiqué:

N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction.

Ainsi, s’agissant dans le domaine de la sécurité sur les réseaux (et en particulier Internet), c’est le plus souvent le second alinéa qui est concerné. Et le but de la légitime défense des biens ainsi défini est limité à l’accomplissement d’un acte de défense, en vue d’interrompre l’exécution du crime ou du délit contre ce bien. Je suis intervenu à la fin du débat pour rappeler que dans tous les cas imaginables aujourd’hui, la véritable légitime défense sur Internet est difficilement applicable puisqu’on pourra soit prendre des mesures pour se protéger qui ne constitueraient pas des infractions (détourner le trafic qui vous attaque par exemple) ou tout simplement déconnecter le système (comme l’a fait Sony la semaine passée), faisant ainsi cesser l’atteinte.

Dans un contexte international, la charte des Nations Unies, à son article 51, a encore rappelé Guillaume Tissier, énonce le principe suivant:

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Il s’agit bien ici d’offrir la possibilité aux Etats de répondre légitimement à une agression armée. Il sera tout de même très difficile pour l’instant de qualifier d’attaque armée une atteinte numérique, sauf si elle est de nature à porter atteinte de façon grave à la sécurité des personnes et des biens ou à l’intégrité d’un territoire.

Guillaume Tissier a aussi dressé une liste des types de réponse qu’il était possible d’envisager, en soulignant qu’il n’était pas nécessaire de toujours envisager d’aller jusqu’à des actes agressifs, mais qu’il était possible par exemple d’envisager des mesures judiciaires adaptées – y compris de nature à faire complètement cesser l’activité d’un attaquant grâce à la saisie de ses matériels ou l’interruption des services qui lui permettre de commettre ses attaques, ou des mesures de collecte de preuve, pour faciliter l’identification des auteurs de ces faits.

Philippe Langlois quant à lui a cité un certain nombre de cas concrets d’acte de rétorsion numérique suite à ce qui peut être considéré comme une attaque. Le cas de la société HBGary qui s’est vu sérieusement mise en défaut dans la gestion de sa propre sécurité, après s’en être prise aux Anonymous publiquement est un de ces cas. On pourrait aussi citer le cas récent du réseau des Playstation de Sony (voir l’article le plus récent de Numérama), dont l’agression pourrait être une réponse de certains groupes d’attaquants à l’attitude de cette société face à un chercheur indépendant (George Holtz) qui a mis à mal la sécurité de sa console la plus récente (voir l’article de 01Net). Philippe a aussi souligné le risque d’une véritable escalade des réponses entre les belligérants, comme l’un des risques principaux d’une riposte numérique suite à une agression.

Philippe a aussi indiqué, que techniquement il était évidemment possible dans beaucoup de situations – et dans l’esprit de la gamme de réponses possible évoquée par Guillaume Tissier, de prendre des mesures non agressives vis à vis de l’attaquant, en temps réel, de manière à plus facilement l’identifier, grâce à la prise d’une empreinte de l’attaque ou en se connectant simplement avec l’hôte à l’origine de l’attaque si le protocole utilisé le permet.

Enfin, comme l’a rappelé Lazaro Pejsachowicz dans la salle, il n’est pas acceptable d’envisager la légitime défense sous la forme d’une vengeance, il est absolument nécessaire de rapidement impliquer les autorités judiciaires suite à une attaque pour que la collecte de preuves s’exerce dans de bonnes conditions et que l’action légale soit efficace et rapide.

L’autre sujet qui n’a pas été abordé – il me semble – dans le débat, est le recours à une réponse numérique suite à une agression physique. Cela fait partie très clairement des outils dont pourrait se doter un Etat dans le cadre de sa légitime défense au sens de la charte des Nations Unies évoquée plus haut. Et – pourquoi pas – cela pourrait constituer une hypothèse intéressante dans le cadre de la légitime défense des personnes et des biens contre une agression physique, par exemple en se dotant d’outils pour rendre inopérants les commandes d’un véhicule qui foncerait sur une foule.

Merci au Cercle pour l’organisation de cette soirée qui a continué autour d’un buffet indispensable au réseautage interpersonnel.

Décret d’application de la LCEN sur la conservation des données par les FAI et hébergeurs

Le 1er mars 2011 était publié au Journal officiel le Décret n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne. Il s’agit notamment de préciser les mesures prévues par l’article 6, dans son paragraphe II, de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (implémentant elle-même en droit français les dispositions de la directive européenne 2000/31/CE).

Ce texte comprend deux chapitres principaux. Le premier vient préciser les données à conserver par les fournisseurs d’accès et les hébergeurs pour permettre l’identification des personnes qui ont contribué à la création d’un contenu sur un service de communication au public en ligne. Le second précise les modalités d’accès à ces informations dans le cadre des enquêtes administratives relatives à la prévention des actes de terrorisme. Il s’agit dans ce dernier cas d’une extension à ce contexte des dispositions existant déjà pour l’accès aux données détenues par les opérateurs de communications électroniques au titre de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques.

Ces données ont vocation à être accédées dans le cadre d’une réquisition judiciaire, ou d’une demande administrative prévue par la loi. On rappellera que pour l’enquête pénale, les demandes judiciaires sont notamment encadrées par les articles 60-1 et 60-2 du code de procédure pénale.

Au contraire de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques, il n’était pas demandé ici au pouvoir réglementaire de préciser les catégories de données qui doivent être conservées, mais de façon plus précise les données qui sont concernées par cette obligation. Ainsi, on se retrouve avec un texte à la fois plus précis que le décret portant plus généralement sur les opérateurs – cf. articles R.10-12 à R.10-22 du code des postes et communications électroniques (et qui concerne donc aussi les fournisseurs d’accès à Internet), mais difficile à comparer. On notera toutefois au passage que la durée de conservation a été uniformisée dans les deux cas à un an.

Les exemples et les précisions que je donne ici ne représentent que mon point de vue personnel sur ce texte, ils ne sauraient évidemment engager une juridiction sur son interprétation éventuelle. Toutefois, ces informations sont basées sur ma connaissance des pratiques en la matière, aussi bien du côté des prestataires techniques que des besoins des enquêteurs.

L’article 1 liste les données à conserver

Les termes utilisés dans le décret sont volontairement génériques et cherchent à maintenir une certaine neutralité technologique. L’objectif est bien dans tous les cas de contribuer à l’identification de la personne ayant publié un contenu donné.

– Pour les personnes fournissant un accès à Internet :

  • L’identifiant de la connexion (en pratique une adresse IP) ;
  • L’identifiant attribué par ces personnes à l’abonné (selon les FAI il s’agira d’un identifiant de connexion, d’un pseudonyme choisi par l’utilisateur, d’un identifiant de carte SIM ou d’un numéro de téléphone) ;
  • L’identifiant du terminal utilisé pour la connexion lorsqu’elles y ont accès (l’adresse MAC de l’équipement par exemple) ;
  • Les dates et heure de début et de fin de la connexion (cette notion est superflue pour les FAI qui ne gèrent pas de sessions de connexion) ;
  • Les caractéristiques de la ligne de l’abonné (s’il s’agit d’une connexion par ADSL, par appel téléphonique RTC grâce à un modem, via un point d’accès Wifi, etc.) ;

Selon les configurations, il n’y a pas de sessions mais des accès permanents possibles pendant toute la durée de l’abonnement, dans ce cas les dates et heures de début et de fin n’ont pas de sens. En revanche, un FAI peut autoriser des modes de connexion différents pour un même abonné. Et par exemple, un même abonné pourrait se connecter de chez lui en ADSL (sans forcément de notion de début et de fin de session) et accéder ponctuellement via des points d’accès Wifi, avec une authentification et des débuts et fins de sessions.

– Pour les hébergeurs et pour chaque opération de création :

Rappelons que les hébergeurs sont, selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

  • L’identifiant de la connexion à l’origine de la communication (adresse IP d’origine, ou toute autre information pertinente – dans une structure intégralement gérée par un opérateur de téléphonie mobile il pourrait envisager d’utiliser le numéro de téléphone mobile ou le numéro IMSI de son abonné qui publie des informations sur un site géré par le même opérateur) ;
  • L’identifiant attribué par le système d’information au contenu, objet de l’opération (une référence d’article ou de commentaire, l’URL ou la position dans une arborescence d’une page Web, la référence d’une petite annonce, etc.) ;
  • Les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus (accès via l’interface Web, via un accès FTP, par envoi de SMS ou MMS, etc.) ;
  • La nature de l’opération (création, modification ou suppression) ;
  • Les date et heure de l’opération ;
  • L’identifiant utilisé par l’auteur de l’opération lorsque celui-ci l’a fourni (si par exemple, la personne utilise un pseudonyme pour se connecter ou une adresse de courrier électronique, qu’il y ait une authentification ou une simple déclaration) ;

– Dans les cas où il y a un contrat, ou la création d’un compte auprès du fournisseur d’accès ou de l’hébergeur, et dans la mesure où ces données sont collectées :

  • Au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion (par exemple, l’adresse IP depuis laquelle la personne se connecte pour créer son compte) ;
  • Les nom et prénom ou la raison sociale ;
  • Les adresses postales associées ;
  • Les pseudonymes utilisés ;
  • Les adresses de courrier électronique ou de compte associées ;
  • Les numéros de téléphone ;
  • Le mot de passe (si le système utilisé stocke le mot de passe en clair) ainsi que les données permettant de le vérifier (hashs ou autres techniques permettant de stocker de façon sécurisée un mot de passe) ou de le modifier, dans leur dernière version mise à jour ;

– Dans les cas où des opérations de paiement sont réalisées dans le cadre du service offert par le fournisseur d’accès ou l’hébergeur, et pour chaque opération de paiement :

  • Le type de paiement utilisé ;
  • La référence du paiement ;
  • Le montant ;
  • La date et l’heure de la transaction.

L’article 2 précise ce qui constitue une opération de création de contenu

« La contribution à une création de contenu comprend les opérations portant sur :

  • a) Des créations initiales de contenus ;
  • b) Des modifications des contenus et de données liées aux contenus ;
  • c) Des suppressions de contenus. »

L’article 3 fixe la durée de conservation

La durée de conservation de ces informations est fixée à un an à partir de chaque connexion ou contribution à un contenu. Pour la fiche reprenant les informations personnelles du compte ou du contrat, elles doivent être conservées un an après la clôture de ce compte.

L’article 4 précise les conditions de conservation

Il est rappelé que leur sensibilité justifie des mesures de sécurité proportionnées, conformément à l’article 34 de la loi informatique et libertés.

Les conditions de conservation doivent aussi permettre de répondre « dans les meilleurs délais » aux demandes de l’autorité judiciaire.

Conclusion

Dans la très large partie des cas, ce texte ne change rien aux pratiques existantes de la part des professionnels ou des plateformes d’hébergement y compris basées sur des logiciels libres. Pour les fournisseurs d’accès à Internet, ce sont exactement les mêmes données qu’ils conservent déjà dans le cadre de l’application de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques, formulées de façon différente parce que répondant à une législation distincte et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes.

Pour les hébergeurs, il s’agit d’une clarification bienvenue sur ce qui pourrait leur être demandé, chacun étant concerné par les données qu’il collecte lui-même.

Ainsi, dans les situations complexes où plusieurs acteurs interviennent dans le processus d’hébergement, il leur revient de fixer – éventuellement par le biais de contrats – les responsabilités des uns et des autres et d’être en mesure d’indiquer aux autorités susceptibles de les requérir le bon interlocuteur. Par exemple, un blog et ses commentaires, même s’il est sous la responsabilité de son titulaire, peut être administré sur le plan technique par une plateforme hébergeant des milliers de blogs différents. C’est bien à elle que revient la responsabilité de conserver ces données et de répondre aux réquisitions.

Dans le cas où une personne, une entreprise, une association loue un serveur et l’administre elle-même auprès d’un « grand » hébergeur, il lui revient de le configurer (ou de le faire configurer par un prestataire) de façon à conserver les bonnes informations lorsqu’elle y installera un forum ou la possibilité de poster des commentaires. Le « grand » hébergeur évoqué ici a en revanche l’obligation de disposer des coordonnées de la personne à laquelle il loue le serveur, et éventuellement les informations de paiement.

D’ores et déjà, dans ces situations et dans la plupart des cas, les enquêteurs parviennent déjà très facilement à identifier le bon interlocuteur.