Cybercriminalité

Du spam agressif qui se propage par Skype ?

Il y a quelques minutes j’ai reçu directement dans mon client Skype un message d’un interlocuteur qui n’est pas dans ma liste de contacts. Le message contient un texte assez classique pour inciter l’utilisateur à mettre à jour son ordinateur suite à une infection supposée:

Le message incite aussi à rajouter cet utilisateur parmi ses contacts.

Son pseudo dans mon cas: instruction.upd.6 et le lien proposé pour « réparer » mon système d’exploitation « www.updatetn.com ». Le client que j’utilise est le client Skype pour Linux qui n’est malheureusement pas particulièrement tenu à jour par la société qui le développe et qui est toujours en version « bêta ».

Ce nom de domaine a été enregistré le 26 février 2011 (aujourd’hui) par un certain Mario Lipak en République Tchèque grâce aux services de la société Enom:

Domain Name: UPDATETN.COM
Registrar: ENOM, INC.
Whois Server: whois.enom.com
Referral URL: http://www.enom.com
Name Server: DNS1.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS2.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS3.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS4.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS5.NAME-SERVICES.COM
Status: clientTransferProhibited
Updated Date: 26-feb-2011
Creation Date: 26-feb-2011
Expiration Date: 26-feb-2012

>>> Last update of whois database: Sat, 26 Feb 2011 12:58:30 UTC <<<
[…]
Registration Service Provided By: Unpicked.com
Contact: support@unpicked.com
Visit: http://www.unpicked.com

Domain name: updatetn.com

Registrant Contact:

Mario Lipak ()

Fax:
Haria 55
Referral URL:www.unpicked.com
Prague, CZ 44300
CZ

Administrative Contact:

Mario Lipak (mariolipak@gmail.com)
+420.2495614
Fax: +420.2495614
Haria 55
Referral URL:www.unpicked.com
Prague, CZ 44300
CZ

Technical Contact:

Mario Lipak (mariolipak@gmail.com)
+420.2495614
Fax: +420.2495614
Haria 55
Referral URL:www.unpicked.com
Prague, CZ 44300
CZ

Status: Locked

Name Servers:
dns1.name-services.com
dns2.name-services.com
dns3.name-services.com
dns4.name-services.com
dns5.name-services.com

Creation date: 26 Feb 2011 07:33:00
Expiration date: 26 Feb 2012 02:33:00
[…]

Mise à jour 14:00

En fonction de la façon dont on se connecte à ce site, le visiteur est redirigé vers une page PHP particulière. Celle-ci contient des informations vous faisant croire que votre ordinateur a été infecté (et qui dans ce cas est fabriquée pour ressembler à une fenêtre classique de Windows) :

et charge aussi cette boîte d’avertissement:

Enfin, si vous cliquez sur l’un des messages, vous êtes redirigé vers un site d’achat en ligne http://secureonlinestore.net/… soit un nom de domaine qui ressemble au précédent par son parcours d’enregistrement, mais qui est référencé auprès d’un client habitant en Lituanie:

Domain Name: SECUREONLINESTORE.NET
Registrar: ENOM, INC.
Whois Server: whois.enom.com
Referral URL: http://www.enom.com
Name Server: DNS1.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS2.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS3.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS4.NAME-SERVICES.COM
Name Server: DNS5.NAME-SERVICES.COM
Status: clientTransferProhibited
Updated Date: 04-feb-2011
Creation Date: 04-feb-2011
Expiration Date: 04-feb-2012

>>> Last update of whois database: Sat, 26 Feb 2011 13:32:20 UTC <<<

[…]
Registration Service Provided By: Unpicked.com
Contact: support@unpicked.com
Visit: http://www.unpicked.com

Domain name: secureonlinestore.net

Registrant Contact:
SecureOnlineStore Inc.
Andrew Bradley ()

Fax:
53/54, Latviu st
Referral URL:www.unpicked.com
Vilnius, LI 2600
LT

Administrative Contact:
SecureOnlineStore Inc.
Andrew Bradley (abradley@asia.com)
37052725555
Fax: 37052725555
53/54, Latviu st
Referral URL:www.unpicked.com
Vilnius, LI 2600
LT

Technical Contact:
SecureOnlineStore Inc.
Andrew Bradley (abradley@asia.com)
37052725555
Fax: 37052725555
53/54, Latviu st
Referral URL:www.unpicked.com
Vilnius, LI 2600
LT

Status: Locked

Name Servers:
dns1.name-services.com
dns2.name-services.com
dns3.name-services.com
dns4.name-services.com
dns5.name-services.com

Creation date: 04 Feb 2011 10:22:00
Expiration date: 04 Feb 2012 05:22:00

Et en réalité ce site ouvre une fenêtre (IFRAME) sur un site de commerce électronique beaucoup plus recommandable connu (Swreg/Digital River), pour le produit « Computer Repair service – Virus/Spyware & Malware Removal – Instant Online Repair » et un mondant de €15.29 (ou $19.95) avec une référence d’affiliation particulière (affil5777) qui doit être la référence de celui qui a diffusé ce spam via Skype.

Il s’agit évidemment de nous vendre du vent… Peut-être la suite nous en dira plus sur quel est le commerçant un peu douteux derrière ce stratagème.

En guise de première conclusion quelques conseils

  • Méfiez-vous des inconnus qui vous contactent sur vos logiciels de messagerie instantanée
  • Ne cliquez pas sur un lien sans être certain de sa provenance et de la volonté de celui qui vous l’envoie de le partager.
  • Utilisez les fonctions de vos logiciels de messagerie instantanée permettant de bloquer ou de signaler en comme émetteur de spam un contact malveillant.
  • Ne faites jamais confiance aux sites Web qui vous signalent que votre ordinateur est contaminé par des dizaines de logiciels malveillants.
  • N’installez ou n’achetez que des logiciels de sécurité (antivirus, antispyware, etc…) pour lesquels vous avez lu des recommandations provenant de publications sérieuses.

Mise à jour 17:40

En faisant quelques recherches sur le nom de ce service ou logiciel « Computer Repair service – Virus/Spyware & Malware Removal – Instant Online Repair » on tombe sur un nombre de sites qui se ressemblent dans leur fonctionnalité, mais pas forcément dans leur mise en page ou leur contenu. A chaque fois il s’agit de vous offrir un service d’assistance en ligne pour réparer votre PC en cas d’incident, dont certains correspondent à ce prix de $19.95. Ces services sont-ils sérieux ? Certains semblent exister depuis longtemps, d’autres depuis très peu de temps.

Dans le cas qui nous préoccupe on est directement amené sur une page de paiement, sans explication sur la nature ou du service proposé. Arnaque en vue donc!

Dragon de Nuit contre industries de l’énergie

Dans un document publié le 9 février 2011, les spécialistes de la société McAfee soufflent sur les braises qui aurait été allumées par un mystérieux groupe de cybercriminels dont les activités ont été surnommées « Night Dragon ». La Chine est pointée du doigt comme étant la base arrière de ces attaques, mais il semblerait qu’il faille regarder ce rapport comme une alerte utile sur les risques réels auxquels sont confrontés les systèmes d’information des entreprises tous les jours, plutôt qu’une véritable opération coordonnée.

La présentation qu’en fait George Kuntz (@george_kurtzcto, le chief technology officer de McAfee), le même jour, nous apprend que des attaques commencées en novembre 2009 auraient ciblé différentes entreprises pétrolières, pétrochimiques ou œuvrant dans le domaine de l’énergie. Ces attaques suivraient un parcours assez classique, en obtenant d’abord des accès sur les extranets des sociétés, puis compromettant les machines situées à l’intérieur des réseaux des entreprises pour finir par subtiliser des données confidentielles, en exploitant l’ingénierie sociale ou différentes failles :

Schéma des attaques proposé par McAfee

L’analyse qu’ils ont réalisée de ces attaques qui d’abord ne font que se ressembler, et en particulier des signatures des outils utilisés pour les réaliser, leur ont permis de tisser des relations d’abord techniques entre ces évènements. Toujours selon l’analyse de McAfee, ces attaques seraient exclusivement d’origine chinoise, et ils mettent notamment en avant la présence des outils utilisés sur des forums où sévissent uniquement des « crackers » chinois (apparemment on y rencontre aussi des spécialistes de chez McAfee 🙂 ), ou les créneaux horaires correspondant aux pics d’activité.

Le 17 février prochain, George Kurtz et Stuart McClure (@hackingexposed) présenteront notamment les résultats qui sont ici dévoilés lors de la Conférence RSA 2011.

Cette annonce n’est pas sans rappeler l’annonce du ver Stuxnet au début de l’été 2010, en ce qu’il s’agit de s’en prendre ici à des industries de l’énergie, mais cela semble être le seul point commun, puisque les systèmes de commande industrielle (SCADA) ne sont pas au coeur de l’attaque. Il s’agirait plus classiquement d’opérations visant à collecter des secrets dans ces entreprises.

Ce n’est pas non plus la première fois que la Chine est accusée d’être à l’origine d’attaques de grande envergure, comme en septembre 2007 lorsque le Pentagone américain accusait le gouvernement chinois d’avoir organisé des agressions graves contre leurs systèmes informatiques ou lorsque Google, en Janvier 2010, accusait le gouvernement chinois d’avoir commandité des attaques contre ses systèmes pour y voler des données confidentielles (l’opération a été surnommée Aurora). Il faut avouer qu’avec plus de 400 millions d’internautes et une éducation technique avancée, il est logique que la Chine, comme d’autres pays soient à l’origine de nombre d’attaques. Beaucoup de spécialistes toutefois rappellent que les ordinateurs chinois, nombreux et pas toujours parfaitement sécurisés, pourraient aussi servir de paravent à des attaques provenant d’autres régions du Monde.

Sur le blog de Sophos, Fraser Howard, questionne l’analyse et les preuves présentées par McAfee. Le regroupement sous une même bannière du « Dragon de Nuit » des logiciels malveillants utilisés lui semble pour l’instant artificielle, même si ces attaques ont bien eu lieu. Il n’est notamment pas démontré que celles-ci ciblent plus particulièrement l’industrie de l’énergie, peut-être cela est-il le résultat d’une détection plus précoce dans ces entreprises, qui ont fait appel à McAfee.

En conclusion, comme beaucoup de commentateurs, je dirais que la publication de ce rapport vient surtout nous rappeler la nécessité de correctement sécuriser les réseaux des entreprises (sensibilisation des utilisateurs, utilisation de logiciels de sécurité et notamment d’antivirus, si l’enjeu le justifie outils de détection d’intrusion, etc.), c’est d’ailleurs très certainement l’objectif de McAfee : démontrer au travers d’un exemple particulier l’importance de la menace. Mais peut-être des informations à venir, non encore révélées par McAfee viendront-elles soutenir la thèse d’une véritable opération « Night Dragon ».

Ouverture de la licence professionnelle NTECH

La gendarmerie nationale forme ses enquêteurs dans de nombreux domaines: la délinquance économique et financière, les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’analyse criminelle, etc.

Depuis 2001, après une première phase expérimentale, son centre national de formation de la police judiciaire (CNFPJ à Fontainebleau) accueille des stagiaires dans le domaine de la lutte contre la cybercriminalité: les enquêteurs « NTECH » ou « enquêteurs en technologies numériques ».

Progressivement cette formation s’est enrichie et en 2005 un partenariat fut noué avec l’université de technologie de Troyes, avec la création d’un diplôme d’université et la réalisation d’une partie des cours à Troyes. D’autres partenariats existent déjà, par exemple avec l’université de Strasbourg pour la formation en délinquance économique et financière. Le partenariat avec l’UTT permet d’ores et déjà aux gendarmes NTECH les plus expérimentés d’accéder au Master SSI de cette université.

Dans le même temps, des projets successifs, financés par l’Union européenne, ont permis (toujours depuis 2001) aux services spécialisés des différents états membres de l’Union Européenne d’échanger sur des bonnes pratiques en matière de formation à la lutte contre la cybercriminalité. La gendarmerie nationale a participé à ces travaux depuis le début. Ils ont permis de développer ensemble des modules de formation (comme celui sur l’analyse forensique des systèmes vivants que j’évoquais en 2009). Ils ont aussi conduit à définir ensemble une stratégie visant à développer les partenariats académiques pour ces formations et ainsi les enrichir et les consolider. Ce travail collectif se poursuit depuis 2007 dans le cadre de l’European cybercrime training and education group (site Web en cours de développement).

Ce travail commun a permis à la gendarmerie nationale et à l’UTT de construire aujourd’hui ensemble une véritable formation diplômante, reconnue depuis cette année par le Ministère de l’Education Nationale, la licence professionnelle d’Enquêteur en technologies numériques. Ainsi, chaque année dorénavant, la vingtaine de stagiaires qui finalisent avec succès l’ensemble des modules théoriques et pratiques recevront une licence professionnelle. Les premiers concernés feront leur rentrée le 17 janvier prochain à Fontainebleau et poursuivront leur année de formation en alternant les séjours à l’UTT avec ceux réalisés au CNFPJ, des modules de formation à distance, les travaux pratiques dans leurs unités et pour finir la rédaction d’un mémoire.

Audition à l’Assemblée Nationale

Patrice VERCHERE, député.

J’ai été auditionné pendant un peu plus d’une heure à l’Assemblée Nationale, le 14 décembre 2010, devant la mission d’information commune sur la protection des droits de l’individu dans la révolution numérique.

Vous pouvez retrouver l’enregistrement de cette audition sur le site de l’Assemblée. J’étais interrogé par M. Patrice VERCHERE, co-rapporteur de cette mission.

J’ai d’abord été invité à exposer pendant une quinzaine de minutes un certain nombre de propos liminaires pour expliquer l’action de la gendarmerie nationale, mais aussi les actions que nous menons en partenariat avec la police nationale. Je suis ensuite revenu sur quelques points discutés récemment dans les débats de cette mission dont le statut juridique de l’adresse IP et l’obligation de notification des incidents de sécurité. Enfin j’ai fait un certain nombre de propositions concrètes et notamment sur des points de droit:

  • la nécessité de simplifier notre cadre juridique, notamment lorsqu’il s’agit de définir les obligations des acteurs de l’Internet;
  • le besoin d’étendre les cyberpatrouilles (ou investigations sous pseudonymes) à toutes les infractions où cet outil permettra d’être plus efficace dans leur résolution (et notamment les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, la contrefaçon, la haine raciale et les infractions économiques et financières facilitées par Internet)
  • le souhait que nous avons de voir étendre les réquisitions à personnes qualifiées pour les actes techniques simples (à savoir les constations sur les supports de preuve numérique) aux enquêtes sur commission rogatoire.

Enfin, j’ai répondu à un grand nombre de questions qui portaient sur des sujets tout aussi variés que les réseaux sociaux, la régulation de l’Internet, la coopération internationale, l’identité numérique et la carte d’identité numérique ou les dispositifs de captations de données prévus par la LOPPSI.

Le Netcode pour les ados

Action Innocence lance aujourd’hui le Netcode. Ce nouvel outil de prévention décline une dizaine de règles de bonne conduite sur le Net à destination des ados sous forme des saynètes dessinées divertissantes et parlantes :

Je m’oppose aux agressions, je ne les filme pas, je ne fais pas circuler d’images violentes ou humiliantes.

ou encore:

Si j’accepte un rendez-vous, j’y vais accompagné(e).

Pour télécharger la plaquette, rendez-vous sur le site de l’association.

Ne soyez pas des ânes !

Le chômage, les difficultés économiques que traverse notre pays sont autant d’opportunités que les groupes criminels tenteront d’exploiter. Ainsi, aujourd’hui en France, comme dans beaucoup d’autres pays, d’honnêtes citoyens sont recrutés à leur insu par des groupes criminels, avec l’espoir d’un revenu facile et attractif.

Non seulement ce n’est pas un emploi solide, mais le risque n’en vaut pas la chandelle.

Pourquoi les groupes criminels recrutent-ils des mules ?

Les mules sont des intermédiaires. Deux usages principaux sont rencontrés aujourd’hui: les transferts financiers et les transferts de biens matériels.

Un certain nombre de mécanismes sont en place pour limiter les fraudes. Ainsi, pour beaucoup d’établissements bancaires, un virement vers un compte bancaire étranger ne pourra être mis en place que dans le cadre d’une procédure particulière qui suppose une interaction entre le client et son conseiller en agence (courrier, fax, téléphone ou déplacement dans son agence bancaire). Les commerçants en ligne n’acceptent pas aveuglément tous les types de transaction et notamment les livraisons de produits coûteux tels que des télévisions ou des ordinateurs vers des pays étrangers.

Ainsi, je vous parlais en avril dernier du démantèlement d’une entreprise criminelle dont les activités consistaient à répondre au téléphone à la place des titulaires des comptes pour valider les transactions. Mais ce n’est qu’une étape dans le processus.

Aussi, lorsque les escrocs veulent utiliser un numéro de carte bancaire, les identifiants de connexion à un compte bancaire en ligne, pour se faire livrer des produits ou vider un compte, ils ont besoin d’intermédiaires dans le pays où se trouve la victime.

Comment ils les recrutent ?

On rencontre plusieurs typologies de recrutement et elles deviennent de plus en plus massives et complexes.

Le recrutement communautaire et par contacts.

C’est celui qu’on rencontrait les premières années. Ainsi, dans un certain nombre d’affaires du début des années 2000, les mules étaient recrutées dans des familles originaires des mêmes régions que les escrocs, tout simplement parce que la barrière de la langue était difficile à surmonter, ou parce qu’il fallait établir un lien de confiance avec ces futurs intermédiaires, ou peut-être pour avoir des moyens de pression supposés sur la famille restée au pays ?

Mais nous n’en sommes plus là.

Le recrutement par les offres d’emploi

Le système est maintenant bien rôdé. Les escrocs montent des entreprises fictives qui utilisent les moyens les plus variés et les plus efficaces pour recruter leurs mules : pourriels, réponse à des petites annonces de chercheurs d’emploi ou publication de petites annonces.

Ainsi, un courrier électronique que j’ai reçu cet été :

 

Cliquez pour agrandir

 

Mais parfois, on s’adressera à vous en français. Voilà quelques mois une victime de ce schéma témoignait par exemple sur le blog eBusiness. Les escrocs ici n’hésitaient pas à se faire passer pour une entreprise française légitimement enregistrée et à délivrer des faux contrats de travail.

Comment ça marche ?

Une fois « embauché », selon un contrat de travail bidon, la tâche proposée est effectivement assez simple. On reçoit chez soi des colis postaux de dizaines de commerçants différents, et on est chargé de les réexpédier vers leur destinataire réel. Ou bien, on reçoit de l’argent sur son compte bancaire. A charge pour vous de retirer l’argent en liquide et de le réexpédier vers leur destinataire par Western Union ou Moneygram.

Dans un billet récent, Brian Krebs révélait l’interface de gestion qui permettait à la société fictive « Forte Group Inc. » (les activités de cette entreprise sont aussi évoquées ici) de donner des directives à ses employés fictifs. Ainsi, dans le cas décrit, l’employée était invitée à transmettre la somme reçue en trois portions, deux par Western Union et la troisième par Moneygram. L’interface de gestion permettant ensuite de fournir les références des transactions pour le retrait par leur destinataire.

 

Les instructions transmises par l'entreprise criminelle

 

Que risque-t-on ?

La législation française peut être particulièrement sévère contre les personnes qui se trouvent impliquées dans ce type d’activités illégales. Selon qu’on saura ou non convaincre la justice de sa bonne foi, la mise en cause peut aller jusqu’à des accusations de recel ou de complicité.

En janvier dernier, je relatais une opération de police judiciaire menée conjointement par la gendarmerie et la police judiciaire dans les Alpes Maritimes, impliquant plusieurs de ces mules. Bien évidemment leurs commanditaires sont aussi recherchés dans ce type d’enquêtes.

Que faire ?

Bien évidemment, méfiez-vous de toutes les offres d’emploi qui promettent un travail facile, à domicile, et qui suppose la réception et la retransmission de colis ou de sommes d’argent. N’hésitez pas à signaler de tels faits sur la plateforme de signalement du ministère de l’intérieur: https://www.internet-signalement.gouv.fr/.

Si vous êtes dans cette situation, arrêtez rapidement toute coopération, et rendez vous dans votre brigade de gendarmerie ou le commissariat de police le plus proche pour signaler votre employeur malhonnête. Cette situation est effectivement complexe, aussi n’hésitez pas à faire appel à un avocat. Tous les éléments qui prouvent votre bonne foi et notamment le fait que vous signaliez de vous-même la situation plaideront en votre faveur, ainsi que la restitution de toutes les sommes ou marchandises indûment perçues.

Enfin, si vous êtes commerçant ou particulier, à l’autre bout de la chaîne, c’est-à-dire si votre compte bancaire a été débité à votre insu, votre carte bancaire utilisée pour effectuer des achats frauduleux, votre site de commerce électronique victime de ces abus, déposez plainte le plus rapidement possible en apportant l’ensemble des éléments à votre disposition pour permettre l’identification rapide des suspects.

Et les enquêtes internationales finissent par aboutir. En témoigne l’opération « Trident BreACH/ACHing mules » menée récemment conjointement par les polices américaine, anglaise et ukrainienne.

Les dix ans des Assises de la sécurité et des systèmes d’information

Les Assises de la sécurité et des systèmes d’information tenaient leur dixième édition à Monaco du 06 au 09 octobre 2010. Cet événement rassemble des RSSI de toute la France, des fournisseurs de solutions de sécurité et plus généralement la communauté de la sécurité des systèmes d’information.

Organisées assez classiquement autour d’un salon, où les exposants présentent leurs solutions, les assises sont rythmées par des séances plénières avec quelques invités prestigieux et des ateliers qui abordent les problématiques de la sécurité sous différents angles parfois très concrets ou plus simplement pour présenter des prestations ou des produits. Je dois avouer que j’étais évidemment plus intéressé par les présentations plus concrètes, mais la communauté des RSSI a aussi et sûrement besoin de mieux connaître et discuter les offres existant sur le marché.

Les séances plénières auxquelles j’ai pu assister :

  • Enrique Salem, CEO de Symantec, nous a présenté sa vision des usages numériques d’aujourd’hui et demain et de leurs conséquences sur la sécurité ;
  • Eugène Kaspersky (qui a laissé tomber la barbe!), fondateur et président de Kaspersky Lab, nous a livré sa vision de la cybercriminalité aujourd’hui et de la réponse qu’il recommande: une police mondiale de l’Internet et l’identification sécurisée de toutes les personnes qui publient de l’information ou achètent sur Internet. J’en reparlerai sûrement.
  • « Dix ans de risque informatique… un regard vers le futur immédiat ». Cette table ronde réunissait Alex Türk, sénateur du Nord et président de la CNIL, Michel Riguidel, chercheur à l’ENST et Hervé Schauer, président et fondateur de HSc. Une petite heure de réflexions passionnantes sur les défis des dix prochaines années en sécurité numérique. Ce que j’en retire principalement est qu’on n’est pas au bout de surprises, avec un Internet qui dans cinq ans ou dix ans ne ressemblera plus à celui que nous connaissons aujourd’hui; l’individu et sa protection et la protection des Etats seront vraisemblablement les sujets majeurs de la sécurité numérique des prochaines années, tout autant que la protection des intérêts économiques des entreprises.
  • Et en clôture la simulation du procès pénal des réseaux sociaux. Il s’agissait ici de réfléchir avec l’auditoire sur les risques d’un usage mal informé des réseaux sociaux, des abus de certaines de ces plateformes et de l’exploitation qui peut en être faite par les criminels. Beaucoup de rires dans cette simulation du procès du mystérieux « Raizosocio », mais aussi tous les instruments d’une réflexion à poursuivre, merci à tous les « acteurs » !

Parmi les présentations auxquelles j’ai assisté, je citerais :

  • Un atelier organisé par Fortinet pour présenter les enjeux de la SSI dans des groupes à dimension mondiale et comparer les points de vue d’Areva et d’Alstom. Peu de surprises, mais une bonne synthèse des enjeux.
  • Les faux antivirus étaient illustrés par Nicolas Brulez (@nicolasbrulez) de Kaspersky Labs : une présentation vivante et très complète. A noter au passage la confirmation dans ses travaux qu’il y a parfois automatisation des processus d’empoisonnement des moteurs de recherche (j’en parlais en début d’année ici).
  • Une démonstration d’ingénierie sociale facilitée par les réseaux sociaux, faite par Arnauld Mascret de Sogeti ESEC R&D.

Enfin, le prix de l’innovation a été créé en 2006 et récompensait pour sa cinquième édition une jeune entreprise que nous connaissons bien: Arxsys. Créée par 4 anciens élèves de l’Epitech, Arxsys a pour ambition de développer une offre autour de l’investigation numérique, grâce au développement d’une plateforme opensource dédiée à cette mission, le Digital forensics framework et de services adaptés aux différents utilisateurs (forces de police et entreprises notamment lors des réponses à incident). Leur plateforme est désormais bien aboutie, et j’invite toute la communauté de l’investigation numérique à la tester rapidement, et à contribuer aux développements opensource. J’espère que cette initiative fera naître d’autres projets innovants français (et pourquoi pas opensource) au service de l’investigation numérique. Bravo à eux pour ce Prix !

Les rencontres dans les allées des Assises, lors des événements sociaux, dans les ateliers ont permis certainement à tous de nombreux échanges. En tous cas, j’ai personnellement pu avoir de longues heures de discussions passionnantes cette semaine et quelques nouvelles idées dans ma besace. Merci aux organisateurs !

Rentrée à Rosny-sous-Bois

(image sur le site de la gendarmerie nationale)

J’évite de trop personnaliser les témoignages que j’apporte sur ce blog, mais la rentrée m’a contraint à rester silencieux pendant plusieurs semaines, non pas par manque d’inspiration, mais emporté que j’étais par mes nouvelles tâches.

En effet, depuis le 16 août, j’ai eu l’honneur de rejoindre la tête de la Division de lutte contre la cybercriminalité (DLCC) du Service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) de la gendarmerie nationale à Rosny-sous-Bois. J’ai donc été très occupé par ces nouvelles responsabilités et me suis presqu’entièrement consacré à celles-ci.

Je ne révélerai évidemment pas les détails des affaires que nous traitons au quotidien, mais je profite de ma petite tribune pour vous présenter mon unité. L’histoire de la DLCC remonte à 1998. A l’époque, je travaillais à proximité dans le Fort de Rosny-sous-Bois, ayant rejoint depuis peu l’équipe du département informatique et électronique de l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN).

Le STRJD est le service chargé, pour la gendarmerie, d’administrer l’information judiciaire, de faire circuler et traiter les messages de demande de rapprochement et de gérer les bases de données qui permettent ces rapprochements (en particulier Judex ou le fichier automatisé des empreintes digitales pour la gendarmerie). Son relais sur le terrain est constitué par les brigades départementales de renseignement et d’investigation judiciaire (BDRIJ).

Au sein du STRJD donc a été constituée en 1998 une équipe chargée de débusquer les infractions sur les réseaux ouverts au public. Depuis, cette équipe a crû progressivement pour atteindre l’organisation actuelle:

  • le département de répression des atteintes aux mineurs sur Internet (RAMI),
  • le département des investigations sur Internet (D2I), à vocation plus généraliste,
  • le département soutien et appui.

Au sein du RAMI, on retrouve le centre national d’analyse des images de pédopornographie (CNAIP), dont les missions ont été fixées par un arrêté du 30 mars 2009.

Enfin, au sein du département soutien et appui, a été placé le guichet unique téléphonie et Internet (GUTI) chargé de faciliter au quotidien les relations entre les enquêteurs de la gendarmerie nationale et les opérateurs de communications électroniques.

Les relais de l’action de la DLCC sur le terrain sont des enquêteurs en technologies numériques (NTECH) de toute la France qui, chacun dans leur région, mènent les investigations sur Internet qui toujours trouvent un prolongement hors de l’Internet.

J’espère passer quelques années passionnantes à ce poste !

Stuxnet / CPLink la situation ne s’arrange pas

Mise à jour 03/08/2010: Microsoft diffuse un modificatif de sécurité répondant à l’alerte. Plus d’information dans leur bulletin de sécurité MS10-046.

Aujourd’hui, Graham Cluley (Sophos) attire notre attention depuis son blog sur les mises à jour récentes de la page d’incident mise en place par Microsoft sur cette vulnérabilité:

Ainsi, il serait possible pour l’attaquant de mettre en place un site Web présentant ces raccourcis problématiques ou bien les insérer dans un document (notamment de la suite Microsoft Office).

Les vers Stuxnet

Les plus curieux d’entre vous liront l’article que Symantec a consacré au fonctionnement du ver Stuxnet lui-même.

Se protéger ?

A ce jour, les mesures de protection conseillées par Microsoft, si elles fonctionnent, ne sont pas forcément les plus pratiques car elles empêchent de distinguer les icônes auxquelles les usagers sont familiers. Rappelons que deux autres solutions sont proposées (sur le blog de Didier Stevens):

Par ailleurs, pour Windows 7 et Windows 2008 R2, Cert-Lexsi propose l’utilisation d’Applocker.

Enfin, assurez-vous de disposer d’un antivirus à jour, ceux-ci doivent pour la plupart aujourd’hui être en mesure de détecter aussi bien des raccourcis qui exploiteraient cette vulnérabilité que les différents vers qui ont été identifiés dans la famille Stuxnet.

Articles de référence:

Faille de sécurité des raccourcis sous Windows (suite)

VirusBlokAda - Découvreur du ver

L’exploitation de la faille de sécurité des raccourcis (fichiers .LNK) de Windows se poursuit, comme cela était prévisible. ESET nous avertit ainsi de l’apparition d’un nouveau fichier lié à Win32/Stuxnet (dont je parlais dans mon article de dimanche). Il est cette fois signé avec le certificat de la société JMicron Technology Corp. (encore un fabricant Taïwanais de composants électroniques, après Realtek ciblé précédemment…) et aurait été compilé le 14/07/2010.

Cette démarche paraît logique, puisque le certificat attribué à Realtek a été révoqué, et semble indiquer qu’il s’agisse de la même équipe à l’origine de la première propagation. 21/07/2010: Toutefois, comme l’indique Chet Wisniewski, la révocation des certificats n’a aucun effet sur la reconnaissance des virus signés avant celle-ci.

Enfin, il nous est signalé (Wired) que des mots de passe de bases de données des systèmes SCADA qui seraient la cible de ces attaques sont souvent codées en dur dans les distributions et qu’on retrouve notamment ces mots de passe sur des forums en langue allemande et russe, et c’est d’ailleurs ce mot de passe qui aurait mis la puce à l’oreille de Frank Boldewin:

20/07/2010: Après des rapports de sa présence dans plusieurs pays asiatiques (Iran, Indonésie, Inde), le ver est identifié pour la première fois chez un client industriel Européen de Siemens en Allemagne, selon IDG News.

A suivre toujours !

Comment se protéger (suite)

20/07/2010: Une nouvelle méthode de protection est expliquée par Didier Stevens sur son blog. Elle consiste à créer une règle locale restreignant le démarrage d’applications (exécutables .EXE ou .DLL) depuis d’autres localisations que le disque système (normalement C:\…). De son côté, CERT-LEXSI (via @razy84) explique comment sous Windows 7 et 2008 R2 on peut aller plus loin que ces règles SRP grâce à AppLocker.

20/07/2010: Sophos, enfin, présente une page de synthèse sur cette vulnérabilité.

Articles en rapport :