Juridique

Megaupload – Synthèse des faits présentés

Kim Schmitz devant un tribunal NZ

Le 19 janvier, le ministère de la justice américaine annonçait la mise en accusation et l’arrestation des dirigeants de la société Megaupload ainsi que l’arrêt complet de ses activités. Le principal accusé n’a pas facilité son arrestation (les accès étaient hermétiquement fermés) et était alors armé. L’opération menée par les autorités fédérales américaines, en coopération avec les autorités de Nouvelle-Zélande et d’autres pays, contre la nébuleuse Megaupload et sept de ses dirigeants a fait beaucoup de bruit cette semaine. Je vous propose d’examiner les faits présentés par les enquêteurs.

En préambule, j’avais déjà abordé le sujet du streaming et de sa légalité il y a quelques temps. Des sites légitimes de mise à disposition de contenus audiovisuels existent (Dailymotion, Youtube et les plateformes commerciales de diffusion vidéo telles celle d’Apple – Itunes, de la Fnac, etc.), qu’ils aient des accords (commerciaux ou non) avec les ayants-droits ou qu’ils suppriment systématiquement et de façon définitive les contenus contrefaisants. Une des particularités de Megaupload est qu’ils offrent aussi les fichiers au téléchargement direct ce qui peut changer l’interprétation au regard de la législation des différents pays, puisque dans ce cas-là il n’y a pas uniquement une « représentation » de l’oeuvre, mais bien une mise à disposition et la copie qui sont rendues possibles.

L’une des questions que l’on peut se poser est donc: est-ce que Megaupload et les autres sites de la galaxie Mega diffusaient majoritairement des contenus d’origine légale et respectaient la législation en vigueur dans les différentes régions du monde en matière de retrait de contenus signalés, ou bien est-ce qu’ils se comportaient comme un hébergeur bienveillant pour les contenus d’origine illégale ? En résumé, sont-ils de simples hébergeurs, respectueux de la législation, des hébergeurs pas très sérieux et à qui il faudrait demander de corriger le tir, des hébergeurs regardant d’abord leur intérêt commercial avant de respecter les lois et règlements ou bien pire, est-ce qu’ils incitent par leur fonctionnement à des activités illégales ?

Je vous propose de jeter un coup d’oeil au document de mise en accusation obtenu le 5 janvier dernier par les autorités fédérales devant le grand jury d’Alexandria en Virginie, USA (disponible par exemple sur scribd). Pour en savoir plus sur le rôle d’un grand jury dans le système américain, vous pouvez consulter l’article du Wikipédia anglais ici. Il s’agit de la forme de jury chargée d’examiner et de valider ou rejeter les mises en accusation.

Bien entendu, tant que les personnes n’ont pas été définitivement condamnées, elles doivent être considérées comme innocentes.

Infractions retenues

Cinq infractions principales ont été présentées dans ce dossier contre les personnes mises en cause (traduction personnelle):

  • conspiration en vue de commettre des actions de racket ;
  • conspiration en vue de commettre des atteintes à la propriété intellectuelle ;
  • conspiration en vue de commettre du blanchiment d’argent ;
  • l’infraction spécifique de diffusion de contenus protégés par un droit de propriété intellectuelle sur un réseau informatique et la complicité de tels actes ;
  • l’infraction spécifique d’atteintes à la propriété intellectuelle par des moyens électroniques et la complicité de tels actes.

La conspiration (conspiracy) correspond à l’infraction française d’association de malfaiteurs (article 450-1 du code pénal). Le document publié à cette occasion permet de comprendre les faits qui sous-tendent cette hypothèse.

Les faits présentés dans l’acte d’accusation

La liste de faits que nous allons faire ci-dessous correspond aux documents présentés par les autorités fédérales américaines. Bien entendu nous ne disposons pas ici de l’ensemble des éléments de preuve qui étayent ces déclarations, aussi ils sont à prendre avec toute la précaution nécessaire, ces éléments de preuve devront notamment être discutés devant le tribunal chargé d’examiner ce dossier. Toutefois, le premier tribunal qui a examiné les faits – le grand jury évoqué plus haut – les a tous retenus. Je ne retiendrai ici que les faits les plus saillants. Je mettrai entre [crochets] le numéro du paragraphe de l’acte d’accusation.

Audience des sites Mega

[3] Le site Megaupload était reconnu comme le 13e site Internet le plus visité au monde, avec plus d’un milliard de visiteurs sur toute son existence et 180 millions de comptes enregistrés, 50 millions de visites quotidiennes et 4% du trafic mondial sur Internet.

[16] Le site Megavideo quant à lui, qui était utilisé pour visualiser directement les films diffusés par les serveurs de Mega ou insérer un outil de visualisation sur un site tiers était classé 52e parmi les sites les plus populaires dans le monde.

Capacité de stockage

[38] La société Carpathia (Etats-Unis) louait plus de 25 péta-octets de capacité de stockage à la galaxie Mega, dans plus de 1000 serveurs. Leaseweb (Pays-Bas) de son côté louait plus de 630 serveurs aux mêmes clients.

[69.c] Plus de 65 millions de dollars ont été versés par Mega à ses hébergeurs.

Revenus

[4] Les abonnements permettant un accès illimité au site (sans aucune limite de téléchargement) étaient facturés de quelques dollars par jour à près de €200 pour un abonnement à vie (premium). Les revenus des abonnements sont évalués à 150 millions de dollars. Les revenus publicitaires des plateformes gérées par la société Mega sont évalués à 25 millions de dollars. Aucun reversement significatif ne serait réalisé vers les ayants droits des œuvres protégées.

[9] Les utilisateurs ne disposant pas d’un abonnement premium doivent attendre des temps souvent supérieurs à une heure avant de pouvoir télécharger le contenu souhaité et sont régulièrement incités à souscrire un abonnement.

Nota rajouté à 23:45 : différents trucs étaient échangés entre les utilisateurs pour contourner cette limite. En réalité la possibilité de contourner et donc la possibilité résultante d’échanger différents trucs faisait peut-être partie (je fais ici une hypothèse) du système mis en place pour favoriser le marché parallèle autour des sites de liens et de forums d’utilisateurs.

[17] La visualisation (sur megavideo.com) est limitée à 72 minutes pour tous les utilisateurs non-premium. Les films commerciaux ont une durée le plus souvent supérieure à cette limite ce qui semble indiquer qu’une partie des abonnés premium payait pour pouvoir accéder à ce type de contenus.

[18] Les revenus publicitaires, après avoir été obtenus auprès de prestataires classiques, étaient plus récemment issus exclusivement d’une filiale de la galaxie Mega, Megaclick.com, qui annonçait des tarifs pour les annonceurs nettement supérieurs à ceux couramment pratiqués. [69.y] Google Ad Sense signifie aux responsables de Mega en may 2007 que le nombre d’activités illégales présentes sur leurs plateformes ne leur permet plus de travailler avec eux.

[29] Les revenus personnels de l’accusé principal, Kim Dotcom (suite à un changement officiel de nom…) s’élevaient pour l’année 2010 à plus de 42 millions de dollars.

[41] Plus de 110 millions de dollars parmi les revenus ont transité par le compte Paypal de la galaxie Mega. [42] Plus de 5 millions de dollars par un compte Moneybookers.

[44] Parmi les annonceurs, la société PartyGaming PLC (Partypoker.com) est citée comme ayant dépensé près de 3 millions de dollars en publicités sur les plateformes de la galaxie Mega.

[69] De nombreux exemples dans ce paragraphe montrent que les employés de Mega sont conscients de la diffusion de contrefaçons sur la plateforme et qu’il s’agit de la motivation de l’abonnement par leurs clients.

Rémunération des diffuseurs

[4] Une partie des revenus aurait été utilisée pour rétribuer des personnes qui envoient vers la plateforme des contenus en quantité et de qualité au travers d’un programme appelé « Uploader rewards« .

[69] Ce système de récompense était mis en place dès septembre 2005 et permettait aux personnes qui généraient plus 50.000 téléchargements en trois mois de recevoir $1 pour chaque tranche de mille téléchargements. Dans la version la plus récente notée par les enquêteurs [69.g] le programme consistait à accumuler des points qui donnaient droit soit à des abonnements, soit au versement de sommes d’argent ($10,000 pour 5 millions de points, 1 point étant obtenu pour chaque téléchargement).

Nota: en soi, un système de récompense pour des diffuseurs efficaces n’est pas choquant. Ainsi Youtube a un programme Partenaire et rémunère ses producteurs qui ont la plus grande audience. Toutefois, il doit évidemment s’agir de contenu original sur lequel la personne qui les met à disposition dispose des droits afférents.

[69.r, u] Des copies de courriers électroniques saisis révèlent que des utilisateurs étaient spécifiquement récompensés pour avoir diffusé des contenus contrefaisants (copies de DVD, musiques, magazines).

[69.h…] On note dans ce passage (et dans d’autres [69.bbbb] que des contenus hébergés par Youtube étaient copiés par la galaxie Mega pour être mis à disposition sur leur plateforme (jusqu’à 30% des vidéos présentes sur Youtube).

Utilisation pour le stockage de documents personnels

[7] Les enquêteurs relèvent que seuls les abonnés premium avaient la garantie que leurs contenus seraient conservés sur les sites de la société Mega. Dans tous les autres cas (visiteurs anonymes ou usagers enregistrés gratuits ou non premium), les contenus sont supprimés s’ils ne sont pas téléchargés régulièrement (donc s’ils n’attirent pas un trafic suffisant, en effet toutes les pages de téléchargement affichent des publicités [8]).

[9] Les enquêteurs soulignent encore certaines fonctions qui ne correspondent pas à un usage pour stockage personnel mais plutôt un usage pour une diffusion large, par exemple lorsque les utilisateurs enregistrés sont invités à créer un lien spécifique dans leur compte personnel vers un contenu déjà existant et mis à disposition par un autre utilisateur.

La recherche de contenus

Contrairement à tous les sites populaires de visualisation de vidéos, le site Megavideo.com [10] ne propose pas de moteur de recherche. Au contraire, les utilisateurs sont incités à créer des liens et parfois rémunérés au travers du programme « Uploader rewards« , depuis des sites extérieurs. Ainsi on a vu se créer toute une galaxie de blogs, forums et autres sites de liens qui assuraient la publicité des téléchargements de la société Mega.

Certains des sites diffusant ces liens avaient déjà été saisis sur requête des autorités américaines. Ainsi ninjavideo.net amène aujourd’hui sur un message très clair:

La personne gérant le site de liens ninjavideo.net a été condamnée le 20 janvier 2012 à 14 mois d’emprisonnement, deux années de mise à l’épreuve, $172,387 d’amende et à la confiscation de ses comptes et matériels.

[14] Selon les enquêteurs, les associés de la société Mega se seraient servis de moteurs de recherches internes pour identifier plus facilement des contenus intéressants et contrefaisants [69.bb, dd, ee]. En outre, la liste des 100 téléchargements les plus populaires aurait été altérée [15] pour n’afficher que des contenus qui paraissent légitimes (extraits de films diffusés librement par exemple).

[19] Les recherches étaient possibles sur Megavideo.com mais semblaient filtrées. Ainsi la recherche de contenus protégés par des droits de propriété intellectuelle ne ramenait aucun résultat alors que les contenus étaient bien accessibles sur la plateforme grâce à des liens directs. D’ailleurs, dans [69.rrrr] on voit qu’ils envisagent en septembre 2011 de rajouter des vidéos complètes dans leurs résultats.

Retrait des contenus illégaux

[20..23] Lorsque des contenus contrefaisants leur étaient signalés par les ayants-droits, uniquement le lien faisant l’objet du signalement était supprimé. Or, la plateforme Mega ne stockait un fichier identique qu’une seule fois, apparemment grâce à de simples fonctions de hachage classiques (MD5). Et le fichier contrefaisant stocké une seule fois dans leurs systèmes et l’ensemble des autres liens de leur plateforme pointant vers le même fichier n’étaient pas supprimés en même temps que le lien objet du signalement, permettant à l’infraction de se poursuivre, alors qu’il aurait été facile de les supprimer automatiquement.

[24] D’ailleurs, lorsqu’il s’agissait de retirer des contenus plus problématiques pour eux (dont la pédopornographie), ils utilisaient bien cette méthode pour supprimer intégralement le contenu de leur plateforme.

[25] Des demandes officielles ont été adressées en juin 2010 à la société Mega au sujet de 39 films diffusés illégalement sur la plateforme. Au 18 novembre 2011, 36 de ces films étaient encore disponibles.

[69.q] En utilisant son compte personnel Kim Dotcom aurait personnellement mis à disposition en décembre 2006 une copie d’un morceau du chanteur 50 Cent, toujours accessible sur la plateforme en décembre 2011. Les enquêteurs relèvent d’autres exemples de diffusion par des personnels de Mega, ou de preuve qu’ils se servaient eux-mêmes de la plateforme pour visualiser des contrefaçons [69.ww].

[69.jj] Parmi les instructions données par Kim Dotcom à ses subordonnés, les signalements de contenus contrefaisants provenant de particuliers doivent être ignorés. De même, il invite ses collaborateurs à ne pas traiter les signalements massifs [69.zz, aaa]. Les ayants-droits sont d’ailleurs limités dans les demandes qu’ils peuvent faire chaque jour dans les interfaces qui leur sont dédiées [69.lll cite un problème avec un représentant de la société Warner].

[69.vv] Dans ces exemples d’échanges électroniques entre les responsables de Mega, on voit qu’un de leurs soucis est bien de faciliter une visualisation de qualité (problèmes de synchronisation audio) de contenus contrefaisants (séries télé).

[69.ffff] Il est explicitement reproché à Mega de ne pas avoir mis en place de procédures pour détecter et supprimer les comptes des utilisateurs commettant de multiples infractions à la législation sur la propriété intellectuelle.

Se protéger des poursuites

[69.qqq] Pour éviter tout souci avec les autorités locales à Hong Kong, les responsables de Mega s’interdisent de diffuser quelque contenu que ce soit sur ce territoire.

[69.uuu] Suite à la saisie de plusieurs noms de domaine (en .com, etc.) par les autorités américaines, les responsables de Mega envisagent de changer pour des noms de domaine échappant au pouvoir des autorités américaines.

[69.llll] Les responsables de Mega plaisantent parfois entre eux sur les risques à se rendre dans certains pays, ici l’Allemagne suite à une affaire mettant en cause le site de liens kino.to.

[69.tttt] Les contenus contrefaisants sont exclus des résultats des recherches justement pour éviter des poursuites indique un des responsables de Mega à un hébergeur inquiet.

La suite des opérations

La saisie de leurs biens, mais aussi de l’ensemble des serveurs situés pour l’essentiel aux Etats-Unis et aux Pays-Bas, a entraîné la cessation globale des activités de la galaxie Mega.

Les débats à venir porteront notamment sur la neutralité des hébergeurs, et la neutralité particulière de l’hébergeur Megaupload. Les autorités américaines vont certainement poursuivre leurs investigations et vouloir mettre en cause de façon encore plus précise les responsables de cette société. En particulier, pour l’instant, on ne trouve pas d’éléments chiffrés sur la proportion de contenus légaux par rapport aux contenus illégaux présents sur la plateforme. Le procès, qui devrait avoir lieu aux Etats-Unis étant donné les accords d’extradition existants avec la Nouvelle-Zélande ne manquera pas d’être des plus intéressants. A suivre donc.

Le virus « Gendarmerie » – Bilan de la semaine

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Site d’information http://stopransomware.fr/

Mise à jour du 15 janvier 2012: Attention, ce virus se propage toujours, par exemple avec des variantes réclamant 100 euros et utilisant ce genre de pages d’avertissement, comme le signale le forum Malekal (voir ici):

Drôle de semaine pour pas mal d’usagers de l’Internet et pour la communauté NTECH de la gendarmerie. En effet, dès samedi 10 décembre nous avons commencé à recevoir des sollicitations au sujet de tentatives d’escroquerie utilisant l’image de la gendarmerie. La spécificité de cette campagne par rapport aux escroqueries par courrier électronique dont nous sommes familiers, c’est qu’elles exploitaient un virus informatique.

Le processus vécu par les victimes est le suivant: en visitant un site à fort trafic (notamment des sites diffusant des vidéos en streaming), une publicité affichée sur le site déclenche l’exécution d’un programme qui exploite une vulnérabilité présente sur leur ordinateur (notamment dans des versions de Java sous Windows XP et Windows Vista). Celle-ci installe ensuite le cheval de Troie (souvent après des messages d’avertissement mal interprétés par les victimes) qui vient bloquer l’ordinateur et affiche un message réclamant le paiement d’une amende.

Les escroqueries sur Internet adoptent de nombreux ressorts pour parvenir à leurs fins. Celle-ci en cumule plusieurs qu’il est intéressant de décomposer:

  • l’utilisation de l’image d’une institution ou d’une entreprise;
  • la faute que l’on peut réparer;
  • l’obstruction.

Utilisation de l’image d’une institution

Les campagnes de phishing, les escroqueries à la lotterie et beaucoup d’autres formes de scams utilisent l’image d’une institution. Récemment ont été évoquées les campagnes de phishing liées aux impôts, mais ce sont aussi les plus grandes marques – et en particulier les établissements bancaires et les sociétés de l’Internet – qui voient leur image utilisée. Très souvent c’est uniquement le logo et la marque, mais parfois cela va plus loin et c’est toute la mise en page classique d’un document ou d’un site Web qui sont utilisés pour tromper la victime.

Dans le cas présent, c’est le logo de la gendarmerie qui est exploité, associé à celui de la République française. Ils sont naturellement associés au respect de la loi:

Le symbole de la République utilisé est une de ses représentations historiques: le faisceau de licteur, mais dans la version que l’on retrouve sur Wikipédia. Il est aujourd’hui utilisé par la Présidence de la République et on le retrouve par exemple sur nos passeports.

C’est donc très clairement le public français qui est visé. D’ailleurs, la version du virus qui est diffusée en France est effectivement liée à l’implantation géographique de la victime. En effet, comme ont pu le noter certains analystes (voir article sur Malekal), le mode de diffusion de ce virus utilise la possibilité pour des bannières publicitaires de s’adapter au pays d’où provient la connexion (c’est une fonctionnalité offerte par les sociétés qui offrent ce type de services). Derrière ce sont de véritables kits qui sont exploités (comme Blackhole) et donc vont permettre de déclencher des vulnérabilités en fonction de la configuration de la machine visée.

Dans les cas précédents qui ont été rapportés récemment, ce sont d’autres services de police qui ont été utilisés, en particulier la police allemande, mais aussi suisse, espagnole, hollandaise ou argentine.

La faute que l’on peut réparer

Le message d’alerte affiche ensuite une liste de fautes que l’on aurait commises: pédopornographie et atteintes aux droits d’auteurs. Ce mécanisme fait appel à l’inconscient collectif fortement marqué par ces sujets. Ainsi, une personne qui va sur des sites pornographiques en se cachant de son entourage pourra penser qu’il a pu visiter des sites illégaux sans y faire attention. Une autre qui télécharge des séries ou des films, sans toujours vérifier si leur origine est légale se sentira concernée. La victime est alors placée dans l’incertitude (qu’est-ce qu’on me reproche exactement ?), dans le qu’en dira-t-on (qu’est-ce que vont en penser ma femme, mes collègues ?) et dans la crainte d’une action policière (je n’ai jamais rencontré les gendarmes… est-ce qu’ils vont être durs avec moi ?).

Mais tout de suite, est offerte la possibilité de s’en sortir, par le paiement d’une amende. Le montant a l’air suffisamment sérieux (100 ou 200€ dans les cas rapportés), même si la méthode de paiement paraît un peu moins officielle (tickets et cartes prépayés).

Dans les autres formes de rançons réclamées par des escrocs, souvent le ressort de la sexualité est utilisé (et les interdits qui y sont associés), et l’accusation très forte et exagérée pour faire peur (« la femme avec qui tu discutais était ma petite sœur mineure… »). Il s’agit ici d’isoler les victimes, de les placer dans un angle dont elles ne pensent pas pouvoir se sortir, où elles auront même peur d’appeler à l’aide. L’escroc est devenu le seul ami de la victime, celui qui peut l’aider.

L’obstruction

C’est la même logique et d’autres ressorts qui sont utilisés dans les virus de rançonnement et exploités ici de façon complémentaire. L’ordinateur ne fonctionne plus et on en a besoin (ou bien on a peur d’expliquer à son propriétaire qui nous l’a prêté qu’on a fait une bêtise). Un obstacle de plus donc entre la victime et la solution de son problème. Dans certaines formes simplifiées de ces virus, c’est un simple blocage de l’ordinateur (fenêtre d’avertissement empêchant l’utilisation et parfois chiffrement des données rendant l’ordinateur inutilisable) ou du téléphone qui est réalisé:

Voir l'article d'origine ici

Bilan de la semaine

Dès le week-end dernier, la communauté des enquêteurs NTECH s’est mobilisée pour échanger de l’information sur ces affaires, d’abord pour avertir les collègues de ces cas, puis donner les bons conseils aux enquêteurs et aux victimes. Des fiches d’information ont par exemple été diffusées par les NTECH dans chaque département. Des échanges ont aussi lieu avec la police nationale, localement et nationalement (avec l’OCLCTIC et la plateforme de signalement Pharos, avec la BEFTI à Paris), qui reçoivent aussi de nombreuses sollicitations.

Pour faciliter la coordination, la permanence de la division de lutte contre la cybercriminalité, a ainsi reçu et traité plusieurs dizaines d’appels par jour sur ce dossier, recoupé et relayé les informations.

Le service de presse (SIRPA) de la gendarmerie a diffusé l’information auprès de l’AFP dès mardi (dépêche AFP reprise ici sur Tahiti infos) pour informer les médias et les pousser à reprendre les informations utiles diffusées sur un certain nombre de forums d’entraide.

L’information est reprise:

Plusieurs centaines de personnes ont dû voir leur machine contaminée au cours de la semaine en France par cette variante du logiciel malveillant. Tout le territoire français était concerné, d’où l’intérêt d’un dispositif dense d’enquêteurs formés ou sensibilisés à ces questions. Moins d’une dizaine de personnes ont effectivement payé la somme, des plaintes ont alors été prises et des enquêtes ouvertes.

Les conseils

D’abord de bon sens: la gendarmerie, la police ou les services publics en général, n’iront pas bloquer votre ordinateur et vous menacer de devoir payer une amende, encore moins pour des faits totalement vagues et par un moyen de paiement plutôt réservé à des applications ludiques. Donc, dans ces cas-là se renseigner sur Internet (comme l’ont fait de nombreuses victimes sur des forums d’échanges) ou appeler l’administration concernée et ne jamais payer de sommes d’argent dans un tel contexte.

Sur le plan technique ensuite: tenir à jour son système d’exploitation, les différents logiciels et ajouts (plugins) installés (Java, Flash, Adobe reader pour ne citer que quelques-uns), ainsi que les solutions de sécurité (tels les antivirus). Pour les personnes dont l’ordinateur a été contaminé, plusieurs guides d’aide à la désinfection existent (Melani– agence Suisse de sécurité informatique – signalé par @xylit0lMalekal).

Sur le plan judiciaire enfin. Evidemment, l’installation malveillante d’un virus sur un ordinateur constitue une atteinte à un système de traitement automatisé de données, puni notamment en France par les articles 323-1 et suivants du code pénal. Toutefois, il n’est pas forcément judicieux de porter plainte pour toutes les occurrences de tels faits, même si vous en avez parfaitement le droit. Nous sommes parfaitement au courant que chaque jour des centaines de personnes sont concernées en France et les enquêteurs de la communauté NTECH sont d’ailleurs mobilisés pour répondre à vos questions et vous assister, en particulier sur ce cas comme je vous l’expliquais plus haut.

Dans ce cas, le conseil que l’on peut donner, est de ne déposer formellement plainte que si vous avez malheureusement payé la rançon réclamée. Cela nous permettra d’envisager, avec l’accord des juridictions locales concernées (votre Procureur de la République), de remonter sur les moyens de paiement utilisés.

Autres images

Version OCLCTIC

Un chapitre collaboratif ?

Photo de Rahego

Un article un peu inhabituel et court pour lancer un appel à commentaires auprès de mes lecteurs sur leurs sujets de préoccupation du moment en matière de cybercriminalité.

J’ai commencé depuis quelques mois la rédaction d’un livre sur la cybercriminalité et la cybersécurité et l’idée ici est d’en consacrer une partie, soit dans les chapitres déjà prévus, soit dans un chapitre à part, aux questions, aux préoccupations du moment, de mes lecteurs.

A vos claviers ! Toutes les questions et tous les commentaires sont les bienvenus.

La légitime défense numérique – Le Cercle

Le Cercle européen de la sécurité des systèmes d’information organisait jeudi 28 avril 2011 à 18 heures une table ronde sur le thème de la légitime défense numérique.

Le débat était animé par Yann Le Bel de la SNCF, et rassemblait Guillaume Tissier de CEIS et Philippe Langlois de P1Sec.

Guillaume Tissier a d’abord résumé le contexte actuel des attaques contre les systèmes d’information, de la cybercriminalité et de la cybersécurité en général, en soulignant les risques particuliers auxquels sont confrontées aujourd’hui notamment les entreprises. Ensuite il a rappelé le cadre juridique de la légitime défense.

Sur le plan pénal, le concept de légitime défense est défini comme une exception, au travers d’une cause d’irresponsabilité. Ainsi dans l’article 122-5 du code pénal il est indiqué:

N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte.

N’est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction.

Ainsi, s’agissant dans le domaine de la sécurité sur les réseaux (et en particulier Internet), c’est le plus souvent le second alinéa qui est concerné. Et le but de la légitime défense des biens ainsi défini est limité à l’accomplissement d’un acte de défense, en vue d’interrompre l’exécution du crime ou du délit contre ce bien. Je suis intervenu à la fin du débat pour rappeler que dans tous les cas imaginables aujourd’hui, la véritable légitime défense sur Internet est difficilement applicable puisqu’on pourra soit prendre des mesures pour se protéger qui ne constitueraient pas des infractions (détourner le trafic qui vous attaque par exemple) ou tout simplement déconnecter le système (comme l’a fait Sony la semaine passée), faisant ainsi cesser l’atteinte.

Dans un contexte international, la charte des Nations Unies, à son article 51, a encore rappelé Guillaume Tissier, énonce le principe suivant:

Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée, jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales. Les mesures prises par des Membres dans l’exercice de ce droit de légitime défense sont immédiatement portées à la connaissance du Conseil de sécurité et n’affectent en rien le pouvoir et le devoir qu’a le Conseil, en vertu de la présente Charte, d’agir à tout moment de la manière qu’il juge nécessaire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.

Il s’agit bien ici d’offrir la possibilité aux Etats de répondre légitimement à une agression armée. Il sera tout de même très difficile pour l’instant de qualifier d’attaque armée une atteinte numérique, sauf si elle est de nature à porter atteinte de façon grave à la sécurité des personnes et des biens ou à l’intégrité d’un territoire.

Guillaume Tissier a aussi dressé une liste des types de réponse qu’il était possible d’envisager, en soulignant qu’il n’était pas nécessaire de toujours envisager d’aller jusqu’à des actes agressifs, mais qu’il était possible par exemple d’envisager des mesures judiciaires adaptées – y compris de nature à faire complètement cesser l’activité d’un attaquant grâce à la saisie de ses matériels ou l’interruption des services qui lui permettre de commettre ses attaques, ou des mesures de collecte de preuve, pour faciliter l’identification des auteurs de ces faits.

Philippe Langlois quant à lui a cité un certain nombre de cas concrets d’acte de rétorsion numérique suite à ce qui peut être considéré comme une attaque. Le cas de la société HBGary qui s’est vu sérieusement mise en défaut dans la gestion de sa propre sécurité, après s’en être prise aux Anonymous publiquement est un de ces cas. On pourrait aussi citer le cas récent du réseau des Playstation de Sony (voir l’article le plus récent de Numérama), dont l’agression pourrait être une réponse de certains groupes d’attaquants à l’attitude de cette société face à un chercheur indépendant (George Holtz) qui a mis à mal la sécurité de sa console la plus récente (voir l’article de 01Net). Philippe a aussi souligné le risque d’une véritable escalade des réponses entre les belligérants, comme l’un des risques principaux d’une riposte numérique suite à une agression.

Philippe a aussi indiqué, que techniquement il était évidemment possible dans beaucoup de situations – et dans l’esprit de la gamme de réponses possible évoquée par Guillaume Tissier, de prendre des mesures non agressives vis à vis de l’attaquant, en temps réel, de manière à plus facilement l’identifier, grâce à la prise d’une empreinte de l’attaque ou en se connectant simplement avec l’hôte à l’origine de l’attaque si le protocole utilisé le permet.

Enfin, comme l’a rappelé Lazaro Pejsachowicz dans la salle, il n’est pas acceptable d’envisager la légitime défense sous la forme d’une vengeance, il est absolument nécessaire de rapidement impliquer les autorités judiciaires suite à une attaque pour que la collecte de preuves s’exerce dans de bonnes conditions et que l’action légale soit efficace et rapide.

L’autre sujet qui n’a pas été abordé – il me semble – dans le débat, est le recours à une réponse numérique suite à une agression physique. Cela fait partie très clairement des outils dont pourrait se doter un Etat dans le cadre de sa légitime défense au sens de la charte des Nations Unies évoquée plus haut. Et – pourquoi pas – cela pourrait constituer une hypothèse intéressante dans le cadre de la légitime défense des personnes et des biens contre une agression physique, par exemple en se dotant d’outils pour rendre inopérants les commandes d’un véhicule qui foncerait sur une foule.

Merci au Cercle pour l’organisation de cette soirée qui a continué autour d’un buffet indispensable au réseautage interpersonnel.

Décret d’application de la LCEN sur la conservation des données par les FAI et hébergeurs

Le 1er mars 2011 était publié au Journal officiel le Décret n° 2011-219 du 25 février 2011 relatif à la conservation et à la communication des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu mis en ligne. Il s’agit notamment de préciser les mesures prévues par l’article 6, dans son paragraphe II, de la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 (implémentant elle-même en droit français les dispositions de la directive européenne 2000/31/CE).

Ce texte comprend deux chapitres principaux. Le premier vient préciser les données à conserver par les fournisseurs d’accès et les hébergeurs pour permettre l’identification des personnes qui ont contribué à la création d’un contenu sur un service de communication au public en ligne. Le second précise les modalités d’accès à ces informations dans le cadre des enquêtes administratives relatives à la prévention des actes de terrorisme. Il s’agit dans ce dernier cas d’une extension à ce contexte des dispositions existant déjà pour l’accès aux données détenues par les opérateurs de communications électroniques au titre de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques.

Ces données ont vocation à être accédées dans le cadre d’une réquisition judiciaire, ou d’une demande administrative prévue par la loi. On rappellera que pour l’enquête pénale, les demandes judiciaires sont notamment encadrées par les articles 60-1 et 60-2 du code de procédure pénale.

Au contraire de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques, il n’était pas demandé ici au pouvoir réglementaire de préciser les catégories de données qui doivent être conservées, mais de façon plus précise les données qui sont concernées par cette obligation. Ainsi, on se retrouve avec un texte à la fois plus précis que le décret portant plus généralement sur les opérateurs – cf. articles R.10-12 à R.10-22 du code des postes et communications électroniques (et qui concerne donc aussi les fournisseurs d’accès à Internet), mais difficile à comparer. On notera toutefois au passage que la durée de conservation a été uniformisée dans les deux cas à un an.

Les exemples et les précisions que je donne ici ne représentent que mon point de vue personnel sur ce texte, ils ne sauraient évidemment engager une juridiction sur son interprétation éventuelle. Toutefois, ces informations sont basées sur ma connaissance des pratiques en la matière, aussi bien du côté des prestataires techniques que des besoins des enquêteurs.

L’article 1 liste les données à conserver

Les termes utilisés dans le décret sont volontairement génériques et cherchent à maintenir une certaine neutralité technologique. L’objectif est bien dans tous les cas de contribuer à l’identification de la personne ayant publié un contenu donné.

– Pour les personnes fournissant un accès à Internet :

  • L’identifiant de la connexion (en pratique une adresse IP) ;
  • L’identifiant attribué par ces personnes à l’abonné (selon les FAI il s’agira d’un identifiant de connexion, d’un pseudonyme choisi par l’utilisateur, d’un identifiant de carte SIM ou d’un numéro de téléphone) ;
  • L’identifiant du terminal utilisé pour la connexion lorsqu’elles y ont accès (l’adresse MAC de l’équipement par exemple) ;
  • Les dates et heure de début et de fin de la connexion (cette notion est superflue pour les FAI qui ne gèrent pas de sessions de connexion) ;
  • Les caractéristiques de la ligne de l’abonné (s’il s’agit d’une connexion par ADSL, par appel téléphonique RTC grâce à un modem, via un point d’accès Wifi, etc.) ;

Selon les configurations, il n’y a pas de sessions mais des accès permanents possibles pendant toute la durée de l’abonnement, dans ce cas les dates et heures de début et de fin n’ont pas de sens. En revanche, un FAI peut autoriser des modes de connexion différents pour un même abonné. Et par exemple, un même abonné pourrait se connecter de chez lui en ADSL (sans forcément de notion de début et de fin de session) et accéder ponctuellement via des points d’accès Wifi, avec une authentification et des débuts et fins de sessions.

– Pour les hébergeurs et pour chaque opération de création :

Rappelons que les hébergeurs sont, selon la loi pour la confiance dans l’économie numérique, « les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ».

  • L’identifiant de la connexion à l’origine de la communication (adresse IP d’origine, ou toute autre information pertinente – dans une structure intégralement gérée par un opérateur de téléphonie mobile il pourrait envisager d’utiliser le numéro de téléphone mobile ou le numéro IMSI de son abonné qui publie des informations sur un site géré par le même opérateur) ;
  • L’identifiant attribué par le système d’information au contenu, objet de l’opération (une référence d’article ou de commentaire, l’URL ou la position dans une arborescence d’une page Web, la référence d’une petite annonce, etc.) ;
  • Les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus (accès via l’interface Web, via un accès FTP, par envoi de SMS ou MMS, etc.) ;
  • La nature de l’opération (création, modification ou suppression) ;
  • Les date et heure de l’opération ;
  • L’identifiant utilisé par l’auteur de l’opération lorsque celui-ci l’a fourni (si par exemple, la personne utilise un pseudonyme pour se connecter ou une adresse de courrier électronique, qu’il y ait une authentification ou une simple déclaration) ;

– Dans les cas où il y a un contrat, ou la création d’un compte auprès du fournisseur d’accès ou de l’hébergeur, et dans la mesure où ces données sont collectées :

  • Au moment de la création du compte, l’identifiant de cette connexion (par exemple, l’adresse IP depuis laquelle la personne se connecte pour créer son compte) ;
  • Les nom et prénom ou la raison sociale ;
  • Les adresses postales associées ;
  • Les pseudonymes utilisés ;
  • Les adresses de courrier électronique ou de compte associées ;
  • Les numéros de téléphone ;
  • Le mot de passe (si le système utilisé stocke le mot de passe en clair) ainsi que les données permettant de le vérifier (hashs ou autres techniques permettant de stocker de façon sécurisée un mot de passe) ou de le modifier, dans leur dernière version mise à jour ;

– Dans les cas où des opérations de paiement sont réalisées dans le cadre du service offert par le fournisseur d’accès ou l’hébergeur, et pour chaque opération de paiement :

  • Le type de paiement utilisé ;
  • La référence du paiement ;
  • Le montant ;
  • La date et l’heure de la transaction.

L’article 2 précise ce qui constitue une opération de création de contenu

« La contribution à une création de contenu comprend les opérations portant sur :

  • a) Des créations initiales de contenus ;
  • b) Des modifications des contenus et de données liées aux contenus ;
  • c) Des suppressions de contenus. »

L’article 3 fixe la durée de conservation

La durée de conservation de ces informations est fixée à un an à partir de chaque connexion ou contribution à un contenu. Pour la fiche reprenant les informations personnelles du compte ou du contrat, elles doivent être conservées un an après la clôture de ce compte.

L’article 4 précise les conditions de conservation

Il est rappelé que leur sensibilité justifie des mesures de sécurité proportionnées, conformément à l’article 34 de la loi informatique et libertés.

Les conditions de conservation doivent aussi permettre de répondre « dans les meilleurs délais » aux demandes de l’autorité judiciaire.

Conclusion

Dans la très large partie des cas, ce texte ne change rien aux pratiques existantes de la part des professionnels ou des plateformes d’hébergement y compris basées sur des logiciels libres. Pour les fournisseurs d’accès à Internet, ce sont exactement les mêmes données qu’ils conservent déjà dans le cadre de l’application de l’article L34-1 du code des postes et communications électroniques, formulées de façon différente parce que répondant à une législation distincte et des objectifs qui ne sont pas exactement les mêmes.

Pour les hébergeurs, il s’agit d’une clarification bienvenue sur ce qui pourrait leur être demandé, chacun étant concerné par les données qu’il collecte lui-même.

Ainsi, dans les situations complexes où plusieurs acteurs interviennent dans le processus d’hébergement, il leur revient de fixer – éventuellement par le biais de contrats – les responsabilités des uns et des autres et d’être en mesure d’indiquer aux autorités susceptibles de les requérir le bon interlocuteur. Par exemple, un blog et ses commentaires, même s’il est sous la responsabilité de son titulaire, peut être administré sur le plan technique par une plateforme hébergeant des milliers de blogs différents. C’est bien à elle que revient la responsabilité de conserver ces données et de répondre aux réquisitions.

Dans le cas où une personne, une entreprise, une association loue un serveur et l’administre elle-même auprès d’un « grand » hébergeur, il lui revient de le configurer (ou de le faire configurer par un prestataire) de façon à conserver les bonnes informations lorsqu’elle y installera un forum ou la possibilité de poster des commentaires. Le « grand » hébergeur évoqué ici a en revanche l’obligation de disposer des coordonnées de la personne à laquelle il loue le serveur, et éventuellement les informations de paiement.

D’ores et déjà, dans ces situations et dans la plupart des cas, les enquêteurs parviennent déjà très facilement à identifier le bon interlocuteur.

Audition à l’Assemblée Nationale

Patrice VERCHERE, député.

J’ai été auditionné pendant un peu plus d’une heure à l’Assemblée Nationale, le 14 décembre 2010, devant la mission d’information commune sur la protection des droits de l’individu dans la révolution numérique.

Vous pouvez retrouver l’enregistrement de cette audition sur le site de l’Assemblée. J’étais interrogé par M. Patrice VERCHERE, co-rapporteur de cette mission.

J’ai d’abord été invité à exposer pendant une quinzaine de minutes un certain nombre de propos liminaires pour expliquer l’action de la gendarmerie nationale, mais aussi les actions que nous menons en partenariat avec la police nationale. Je suis ensuite revenu sur quelques points discutés récemment dans les débats de cette mission dont le statut juridique de l’adresse IP et l’obligation de notification des incidents de sécurité. Enfin j’ai fait un certain nombre de propositions concrètes et notamment sur des points de droit:

  • la nécessité de simplifier notre cadre juridique, notamment lorsqu’il s’agit de définir les obligations des acteurs de l’Internet;
  • le besoin d’étendre les cyberpatrouilles (ou investigations sous pseudonymes) à toutes les infractions où cet outil permettra d’être plus efficace dans leur résolution (et notamment les atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données, la contrefaçon, la haine raciale et les infractions économiques et financières facilitées par Internet)
  • le souhait que nous avons de voir étendre les réquisitions à personnes qualifiées pour les actes techniques simples (à savoir les constations sur les supports de preuve numérique) aux enquêtes sur commission rogatoire.

Enfin, j’ai répondu à un grand nombre de questions qui portaient sur des sujets tout aussi variés que les réseaux sociaux, la régulation de l’Internet, la coopération internationale, l’identité numérique et la carte d’identité numérique ou les dispositifs de captations de données prévus par la LOPPSI.

Ne soyez pas des ânes !

Le chômage, les difficultés économiques que traverse notre pays sont autant d’opportunités que les groupes criminels tenteront d’exploiter. Ainsi, aujourd’hui en France, comme dans beaucoup d’autres pays, d’honnêtes citoyens sont recrutés à leur insu par des groupes criminels, avec l’espoir d’un revenu facile et attractif.

Non seulement ce n’est pas un emploi solide, mais le risque n’en vaut pas la chandelle.

Pourquoi les groupes criminels recrutent-ils des mules ?

Les mules sont des intermédiaires. Deux usages principaux sont rencontrés aujourd’hui: les transferts financiers et les transferts de biens matériels.

Un certain nombre de mécanismes sont en place pour limiter les fraudes. Ainsi, pour beaucoup d’établissements bancaires, un virement vers un compte bancaire étranger ne pourra être mis en place que dans le cadre d’une procédure particulière qui suppose une interaction entre le client et son conseiller en agence (courrier, fax, téléphone ou déplacement dans son agence bancaire). Les commerçants en ligne n’acceptent pas aveuglément tous les types de transaction et notamment les livraisons de produits coûteux tels que des télévisions ou des ordinateurs vers des pays étrangers.

Ainsi, je vous parlais en avril dernier du démantèlement d’une entreprise criminelle dont les activités consistaient à répondre au téléphone à la place des titulaires des comptes pour valider les transactions. Mais ce n’est qu’une étape dans le processus.

Aussi, lorsque les escrocs veulent utiliser un numéro de carte bancaire, les identifiants de connexion à un compte bancaire en ligne, pour se faire livrer des produits ou vider un compte, ils ont besoin d’intermédiaires dans le pays où se trouve la victime.

Comment ils les recrutent ?

On rencontre plusieurs typologies de recrutement et elles deviennent de plus en plus massives et complexes.

Le recrutement communautaire et par contacts.

C’est celui qu’on rencontrait les premières années. Ainsi, dans un certain nombre d’affaires du début des années 2000, les mules étaient recrutées dans des familles originaires des mêmes régions que les escrocs, tout simplement parce que la barrière de la langue était difficile à surmonter, ou parce qu’il fallait établir un lien de confiance avec ces futurs intermédiaires, ou peut-être pour avoir des moyens de pression supposés sur la famille restée au pays ?

Mais nous n’en sommes plus là.

Le recrutement par les offres d’emploi

Le système est maintenant bien rôdé. Les escrocs montent des entreprises fictives qui utilisent les moyens les plus variés et les plus efficaces pour recruter leurs mules : pourriels, réponse à des petites annonces de chercheurs d’emploi ou publication de petites annonces.

Ainsi, un courrier électronique que j’ai reçu cet été :

 

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Mais parfois, on s’adressera à vous en français. Voilà quelques mois une victime de ce schéma témoignait par exemple sur le blog eBusiness. Les escrocs ici n’hésitaient pas à se faire passer pour une entreprise française légitimement enregistrée et à délivrer des faux contrats de travail.

Comment ça marche ?

Une fois « embauché », selon un contrat de travail bidon, la tâche proposée est effectivement assez simple. On reçoit chez soi des colis postaux de dizaines de commerçants différents, et on est chargé de les réexpédier vers leur destinataire réel. Ou bien, on reçoit de l’argent sur son compte bancaire. A charge pour vous de retirer l’argent en liquide et de le réexpédier vers leur destinataire par Western Union ou Moneygram.

Dans un billet récent, Brian Krebs révélait l’interface de gestion qui permettait à la société fictive « Forte Group Inc. » (les activités de cette entreprise sont aussi évoquées ici) de donner des directives à ses employés fictifs. Ainsi, dans le cas décrit, l’employée était invitée à transmettre la somme reçue en trois portions, deux par Western Union et la troisième par Moneygram. L’interface de gestion permettant ensuite de fournir les références des transactions pour le retrait par leur destinataire.

 

Les instructions transmises par l'entreprise criminelle

 

Que risque-t-on ?

La législation française peut être particulièrement sévère contre les personnes qui se trouvent impliquées dans ce type d’activités illégales. Selon qu’on saura ou non convaincre la justice de sa bonne foi, la mise en cause peut aller jusqu’à des accusations de recel ou de complicité.

En janvier dernier, je relatais une opération de police judiciaire menée conjointement par la gendarmerie et la police judiciaire dans les Alpes Maritimes, impliquant plusieurs de ces mules. Bien évidemment leurs commanditaires sont aussi recherchés dans ce type d’enquêtes.

Que faire ?

Bien évidemment, méfiez-vous de toutes les offres d’emploi qui promettent un travail facile, à domicile, et qui suppose la réception et la retransmission de colis ou de sommes d’argent. N’hésitez pas à signaler de tels faits sur la plateforme de signalement du ministère de l’intérieur: https://www.internet-signalement.gouv.fr/.

Si vous êtes dans cette situation, arrêtez rapidement toute coopération, et rendez vous dans votre brigade de gendarmerie ou le commissariat de police le plus proche pour signaler votre employeur malhonnête. Cette situation est effectivement complexe, aussi n’hésitez pas à faire appel à un avocat. Tous les éléments qui prouvent votre bonne foi et notamment le fait que vous signaliez de vous-même la situation plaideront en votre faveur, ainsi que la restitution de toutes les sommes ou marchandises indûment perçues.

Enfin, si vous êtes commerçant ou particulier, à l’autre bout de la chaîne, c’est-à-dire si votre compte bancaire a été débité à votre insu, votre carte bancaire utilisée pour effectuer des achats frauduleux, votre site de commerce électronique victime de ces abus, déposez plainte le plus rapidement possible en apportant l’ensemble des éléments à votre disposition pour permettre l’identification rapide des suspects.

Et les enquêtes internationales finissent par aboutir. En témoigne l’opération « Trident BreACH/ACHing mules » menée récemment conjointement par les polices américaine, anglaise et ukrainienne.

Quelles infractions peuvent commettre les participants à des board « warez »

Etant donné que certains ont des doutes sur l’illégalité des actions commises sur les forums dits « warez », je me suis dit qu’il pourrait être utile de faire une liste des infractions que l’on peut envisager relever dans ces circonstances. Attention, je ne parle pas d’une affaire en particulier, mais uniquement des différents aspects que l’on peut considérer face à une telle situation.

Les forums « warez » ou autres communautés « warez » sont des regroupements plus ou moins importants de personnes sur Internet, dans le but d’accéder à des copies d’œuvres de l’esprit, échanger sur la manière d’accéder à ces copies ou d’en contourner les protections (échanges de cracks, mots de passe, licences, etc.).

En général, les outils utilisés par ces communautés sont aujourd’hui des forums de discussion hébergés sur un site Web, mais ils peuvent aussi utiliser des serveurs FTP, des espaces de discussion IRC ou des portails Web de toute nature. Les œuvres de l’esprit habituellement concernées sont historiquement des logiciels informatiques et en particulier des logiciels de jeux, de la musique ou des films.

Infractions auxquelles penser

Outre les infractions de contrefaçon d’œuvres de l’esprit (code de la propriété intellectuelle) que l’on peut légitimement supposer commises par la plupart de ceux qui diffusent des copies d’œuvres contrefaites, où ceux qui cherchent activement à en obtenir, les infractions suivantes peuvent aussi être envisagées pour un ou plusieurs des acteurs :

  • parfois, on va relever des actes d’atteintes à des systèmes de traitement automatisé de données (article 323-1 et suivants du code pénal), lorsque sont utilisés, pour stocker les œuvres contrefaites, des machines ou serveurs connectées à Internet, à l’insu de leur propriétaire légitime ;
  • la diffusion, lorsqu’elle est susceptible d’être vue ou perçue par un mineur d’un contenu à caractère violent, pornographique ou portant atteinte à la dignité humaine (article 227-24 du code pénal) – en effet certains espaces des communautés warez diffusent très librement, à tous leurs membres dont l’âge n’est pas contrôlé, des films notamment à caractère pornographique ;
  • la provocation à commettre un délit (article 23 de la loi sur la liberté de la presse) – en effet, tout est fait, organisé, expliqué, voire exigé pour pouvoir rester sur le forum, afin que les utilisateurs participent aux activités de contrefaçon.
  • le corollaire de cette infraction de provocation est qu’on pourra parfois envisager la circonstance aggravante de la bande organisée (soit une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et 500.000 € d’amende pour la contrefaçon commise en bande organisée) ;
  • enfin, lorsque des revenus financiers sont tirés de cette activité, on pourra relever différentes infractions de travail dissimulé ou relatives aux impôts et cotisations sociales non versés.

Bien entendu ces infractions sont à adapter aux actions commises par les différents participants. Toutefois, sans être l’auteur principal de telle ou telle infraction, toute personne qui aura aidé pourra être poursuivie pour complicité. Cette aide peut intervenir de multiples façons, y compris par fourniture de moyens (prêt d’un espace de stockage sur un serveur Web par exemple, conseils techniques, etc.).

Juridiction et territorialité

Sur le plan de la compétence territoriale, toute infraction dont un élément au moins se déroule en France est punissable en France, et un enquêteur puis un magistrat pourront bien évidemment s’en saisir. En particulier si l’auteur de l’infraction se trouve en France, même s’il agit uniquement sur Internet, il pourra être évidemment poursuivi, où que se trouve par exemple le serveur de mise à disposition des contrefaçons ou le forum de la communauté warez.

Conclusion

Les armes juridiques sont donc multiples qui permettent de lutter contre ces formes de contrefaçon réalisées de façon concertée sur Internet, les formes les plus graves à mes yeux étant réalisées par ceux qui en tirent des revenus.

Ouverture de la conférence Octopus Interface du Conseil de l’Europe

Maud de Boer-Buquicchio, SG adj. du CoE

C’est Maud de Boer-Bouquiccho, secrétaire générale adjointe du Conseil de l’Europe qui nous a fait l’honneur d’ouvrir la conférence Octopus Interface 2010 qui se tient du 23 au 25 mars 2010 à Strasbourg.

Le point clé de son discours est la nécessité de trouver un équilibre entre la recherche d’une meilleure sécurité sur Internet et la protection des droits humains et de la vie privée. Ces intérêts sont d’ailleurs aussi des cibles pour les délinquants que les autorités policières et judiciaires sont chargées de protéger.

L’Azerbaijan et le Monténégro sont les deux derniers pays à avoir ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la Cybercriminalité. L’Argentine, au travers des paroles exprimées par Eduardo Thill -secrétaire-adjoint à la gestion des technologies, cabinet des ministres, Argentine – a exprimé officiellement sa volonté de rejoindre les pays signataires de la convention. Le Portugal a déposé officiellement les instruments de sa ratification pendant la conférence et est donc devenu le 29ème pays partie à la convention.

La carte des pays signataires et ayant ratifié à ce jour la convention est représentée ci-dessous (cliquer pour agrandir, nota: le Portugal n’apparait pas encore comme ayant ratifié) :

Pour mémoire, la convention du Conseil de l’Europe vise à harmoniser les incriminations en matière d’atteintes contre les systèmes d’information, les droits d’auteur ou les mineurs sur Internet ainsi qu’à renforcer les outils de coopération policière et judiciaire entre les Etats parties à la convention, en particulier en matière d’accès aux éléments de preuve détenus par les opérateurs de communications électroniques.

6 ateliers vont se tenir au cours des trois jours de la conférence pour aborder les sujets suivants :

  • La formation des magistrats à la lutte contre la cybercriminalité ;
  • Les responsabilités croisées et la coopération entre les services répressifs et les organes consultatifs ou techniques (ICANN, RIPE, etc…) ;
  • Le développement de la convention du Conseil de l’Europe au niveau mondial ;
  • Une cartographie des réseaux et des initiatives ;
  • Le renforcement des capacités et l’assistance technique contre la cybercriminalité ;
  • Le développement de mesures efficaces contre l’exploitation et les abus sexuels commis à l’encontre des enfants sur Internet.

Et on continue de dire des bêtises sur les outils d’espionnage

Aujourd’hui c’est le Parisien qui répète les mêmes erreurs contre lesquelles j’avais averti mes lecteurs le 7 février dernier et qu’avait commises M6 ce soir-là.

On peut lire dans l’article du Parisien du 8 mars 2010, qui est inclus dans un dossier sur les outils d’espionnage des téléphones portables:

Interdit à l’usage, pas à la vente
Un an de prison et jusqu’à 45 000 € d’amende : c’est ce que l’on risque en jouant les apprentis espions. La loi française, en vertu des articles 226-1 et suivants du Code pénal, est très claire en matière d’atteinte à la vie privée.
Il est ainsi répréhensible de « capter, enregistrer ou transmettre, sans le consentement de leurs auteurs, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ».

Eh bien non ! L’article 226-3 du code pénal interdit « […] la fabrication, l’importation, la détention, l’exposition, l’offre, la location ou la vente, en l’absence d’autorisation ministérielle dont les conditions d’octroi sont fixées par décret en Conseil d’Etat, d’appareils conçus pour réaliser les opérations pouvant constituer l’infraction prévue par le deuxième alinéa de l’article 226-15 ou qui, conçus pour la détection à distance des conversations, permettent de réaliser l’infraction prévue par l’article 226-1 et figurant sur une liste dressée dans des conditions fixées par ce même décret. […] »

Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que les deux sociétés citées dans l’article du Parisien sont basées pour l’une au Royaume-Uni et pour l’autre en Suisse. Vous noterez au passage, que non seulement la vente sans autorisation, mais aussi la simple détention (notamment par un particulier) d’outils d’espionnage de cette nature sont illégales sans l’autorisation appropriée (on risque un an de prison et 45000 euros d’amende) !