Le chômage, les difficultés économiques que traverse notre pays sont autant d’opportunités que les groupes criminels tenteront d’exploiter. Ainsi, aujourd’hui en France, comme dans beaucoup d’autres pays, d’honnêtes citoyens sont recrutés à leur insu par des groupes criminels, avec l’espoir d’un revenu facile et attractif.
Non seulement ce n’est pas un emploi solide, mais le risque n’en vaut pas la chandelle.
Pourquoi les groupes criminels recrutent-ils des mules ?
Les mules sont des intermédiaires. Deux usages principaux sont rencontrés aujourd’hui: les transferts financiers et les transferts de biens matériels.
Un certain nombre de mécanismes sont en place pour limiter les fraudes. Ainsi, pour beaucoup d’établissements bancaires, un virement vers un compte bancaire étranger ne pourra être mis en place que dans le cadre d’une procédure particulière qui suppose une interaction entre le client et son conseiller en agence (courrier, fax, téléphone ou déplacement dans son agence bancaire). Les commerçants en ligne n’acceptent pas aveuglément tous les types de transaction et notamment les livraisons de produits coûteux tels que des télévisions ou des ordinateurs vers des pays étrangers.
Ainsi, je vous parlais en avril dernier du démantèlement d’une entreprise criminelle dont les activités consistaient à répondre au téléphone à la place des titulaires des comptes pour valider les transactions. Mais ce n’est qu’une étape dans le processus.
Aussi, lorsque les escrocs veulent utiliser un numéro de carte bancaire, les identifiants de connexion à un compte bancaire en ligne, pour se faire livrer des produits ou vider un compte, ils ont besoin d’intermédiaires dans le pays où se trouve la victime.
Comment ils les recrutent ?
On rencontre plusieurs typologies de recrutement et elles deviennent de plus en plus massives et complexes.
Le recrutement communautaire et par contacts.
C’est celui qu’on rencontrait les premières années. Ainsi, dans un certain nombre d’affaires du début des années 2000, les mules étaient recrutées dans des familles originaires des mêmes régions que les escrocs, tout simplement parce que la barrière de la langue était difficile à surmonter, ou parce qu’il fallait établir un lien de confiance avec ces futurs intermédiaires, ou peut-être pour avoir des moyens de pression supposés sur la famille restée au pays ?
Mais nous n’en sommes plus là.
Le recrutement par les offres d’emploi
Le système est maintenant bien rôdé. Les escrocs montent des entreprises fictives qui utilisent les moyens les plus variés et les plus efficaces pour recruter leurs mules : pourriels, réponse à des petites annonces de chercheurs d’emploi ou publication de petites annonces.
Ainsi, un courrier électronique que j’ai reçu cet été :
Mais parfois, on s’adressera à vous en français. Voilà quelques mois une victime de ce schéma témoignait par exemple sur le blog eBusiness. Les escrocs ici n’hésitaient pas à se faire passer pour une entreprise française légitimement enregistrée et à délivrer des faux contrats de travail.
Comment ça marche ?
Une fois « embauché », selon un contrat de travail bidon, la tâche proposée est effectivement assez simple. On reçoit chez soi des colis postaux de dizaines de commerçants différents, et on est chargé de les réexpédier vers leur destinataire réel. Ou bien, on reçoit de l’argent sur son compte bancaire. A charge pour vous de retirer l’argent en liquide et de le réexpédier vers leur destinataire par Western Union ou Moneygram.
Dans un billet récent, Brian Krebs révélait l’interface de gestion qui permettait à la société fictive « Forte Group Inc. » (les activités de cette entreprise sont aussi évoquées ici) de donner des directives à ses employés fictifs. Ainsi, dans le cas décrit, l’employée était invitée à transmettre la somme reçue en trois portions, deux par Western Union et la troisième par Moneygram. L’interface de gestion permettant ensuite de fournir les références des transactions pour le retrait par leur destinataire.
Que risque-t-on ?
La législation française peut être particulièrement sévère contre les personnes qui se trouvent impliquées dans ce type d’activités illégales. Selon qu’on saura ou non convaincre la justice de sa bonne foi, la mise en cause peut aller jusqu’à des accusations de recel ou de complicité.
En janvier dernier, je relatais une opération de police judiciaire menée conjointement par la gendarmerie et la police judiciaire dans les Alpes Maritimes, impliquant plusieurs de ces mules. Bien évidemment leurs commanditaires sont aussi recherchés dans ce type d’enquêtes.
Que faire ?
Bien évidemment, méfiez-vous de toutes les offres d’emploi qui promettent un travail facile, à domicile, et qui suppose la réception et la retransmission de colis ou de sommes d’argent. N’hésitez pas à signaler de tels faits sur la plateforme de signalement du ministère de l’intérieur: https://www.internet-signalement.gouv.fr/.
Si vous êtes dans cette situation, arrêtez rapidement toute coopération, et rendez vous dans votre brigade de gendarmerie ou le commissariat de police le plus proche pour signaler votre employeur malhonnête. Cette situation est effectivement complexe, aussi n’hésitez pas à faire appel à un avocat. Tous les éléments qui prouvent votre bonne foi et notamment le fait que vous signaliez de vous-même la situation plaideront en votre faveur, ainsi que la restitution de toutes les sommes ou marchandises indûment perçues.
Enfin, si vous êtes commerçant ou particulier, à l’autre bout de la chaîne, c’est-à-dire si votre compte bancaire a été débité à votre insu, votre carte bancaire utilisée pour effectuer des achats frauduleux, votre site de commerce électronique victime de ces abus, déposez plainte le plus rapidement possible en apportant l’ensemble des éléments à votre disposition pour permettre l’identification rapide des suspects.
Et les enquêtes internationales finissent par aboutir. En témoigne l’opération « Trident BreACH/ACHing mules » menée récemment conjointement par les polices américaine, anglaise et ukrainienne.