Éric Freyssinet

iHacked ! Attaque contre les iPhones jailbreakés

Rien dans l’actualité n’avait attiré mon attention depuis quelques semaines, mais l’incident survenu cette semaine aux propriétaires d’iPhones « jailbreakés » de l’opérateur T-Mobile aux Pays-Bas mérite qu’on s’y arrête un instant.

Le Jailbreak ?

Le « jailbreak » est la technique qui consiste à modifier le système d’exploitation des iPhone pour pouvoir y installer des applications qui n’ont pas été validées par Apple, accéder par une connexion SSH (donc normalement sécurisée) au contenu plus intime de son téléphone et partager son contenu tel un disque dur externe (ce que ne permet pas normalement l’iPhone). Ces manipulations sont aussi possibles sur les iPod Touch.

L’attaque

Ainsi, un pirate audacieux a scanné les adresses IP publiques des abonnés de T-Mobile aux Pays-Bas pour y détecter des iPhones jailbreakés. Malheureusement ces téléphones ont tous le même mot de passe pour deux comptes, le compte root (littéralement « racine », compte présent sur tous les systèmes de type Unix et qui dispose normalement de tous les droits d’administration sur le système) ainsi que le compte mobile. Cela lui a donc permis de prendre le contrôle de la plupart de ces téléphones et d’en changer le fond d’écran:

Ecran de l'iPhone après la prise de contrôle

Dans un premier temps, le pirate invitait ses visiteurs à lui payer la somme de 5 € sur son compte Paypal pour apprendre comment le débloquer, en leur expliquant notamment qu’il pouvait se servir de leur téléphone pour passer des appels téléphoniques à leur frais et fouiller dans leur vie privée.

Assez rapidement, l’auteur de cette plaisanterie s’est engagé à rembourser ses victimes et a fourni gratuitement les explications permettant de rétablir un semblant de sécurité sur les téléphones.

En résumé, les étapes de cette attaque:

  • scan de l’ensemble des IP potentielles d’abonnés de T-mobile, à la recherche de réponses sur le port TCP caractéristique des iPhone
  • test de la disponibilité du port TCP SSH (le port 22, ouvert uniquement sur les portables « jailbreakés ») et des mots de passe par défaut pour les comptes root et mobile
  • modification du fond d’écran.

Cette attaque avait été expliquée dès le mois de juillet 2008 sur un forum néerlandais dédié à la sécurité (et par Dancho Danchev aussi). Elle fonctionnera aussi contre des iPhone connectés en Wifi ou des iPod Touch connectés sur un point d’accès Wifi (lorsqu’ils sont jailbreakés). Bien évidemment tenter ce genre de choses est répréhensible, et constituerait un accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données puni d’au moins deux ans d’emprisonnement et 30.000 € d’amende en France (article 323-1 du code pénal). J’en profite pour rappeler d’ailleurs que la tentative de tels faits est effectivement interdite en France (article 323-7 du code pénal), donc par exemple, le scan du port caractéristique des iPhone évoqué plus haut sur des réseaux où des téléphones mobiles sont susceptibles d’être connectés constituerait un acte matériel de commencement d’exécution

Quelques leçons de cette affaire

  • On dirait que la société Apple a raison lorsqu’elle déclare qu’il est dangereux de jailbreaker son téléphone…
  • L’utilisation de téléphones constamment connectés sur les réseaux de 3ème génération n’est pas sans risque (en France, les réseaux des trois opérateurs ne permettent pas actuellement l’accès depuis l’extérieur), mais attention lorsque vous êtes en roaming dans d’autres pays. Les opérateurs devront-ils installer des pare-feu sur leurs réseaux pour protéger leurs abonnés ?
  • Cela va devenir de plus en plus complexe d’assurer la sécurité sur son téléphone portable: il va falloir installer un logiciel pare-feu, un antivirus, savoir l’administrer et mettre un mot de passe « root »,… ce n’est pas forcément à la portée de tous les usagers.

De l’affaire Zataz et des sites d’information sur la sécurité en général

Grandville_-_Descente_dans_les_ateliers_de_la_libert%C3%A9_de_la_presse[1]

Cet article pour appeler mes lecteurs à lire un article qui donne un point de vue intéressant sur l’affaire Zataz, sur le blog de Sid, et en discuter quelques aspects complémentaires.

Pour mémoire : il s’agit dans cette affaire de plaintes successives (au civil puis pour diffamation) dont a été l’objet le gestionnaire du site Zataz suite à la publication d’un article révélant un incident de sécurité qu’aurait vécu une société de commerce en ligne. Comme beaucoup de sites d’information de sécurité, Zataz publie régulièrement des alertes sur de tels incidents, non sans avoir auparavant prévenu les gestionnaires concernés.

Cette mise en cause publique n’a apparemment pas été appréciée et Sid estime que c’est peut-être parce que la sécurisation des données personnelles des clients n’était – à un instant donné dans le passé – pas complètement assurée. La société plaignante aurait finalement déclaré qu’elle ne souhaitait pas faire appliquer les sanctions prononcées contre le journaliste.

La démonstration de Sid est détaillée et je vous invite donc à la lire. Par ailleurs vous pouvez aussi consulter:

  • L’arrêt de la Cour d’appel de Paris 2ème chambre Arrêt du 09 septembre 2009 (sur Legalis.net), où l’on découvre un débat d’experts, mais où manifestement ne transparaissent pas tous les éléments d’appréciation,
  • La présentation des faits sur le site Zataz.

Le débat sur les sites d’information de sécurité informatique

En préambule, je tiens à souligner que ce n’est pas la bonne foi d’un journaliste que je questionne – d’ailleurs le plaignant dans cette affaire semble finalement le reconnaître, mais bien de la situation juridique dont je cherche à débattre. On est en effet dans une situation d’insécurité juridique aussi bien pour les personnes qui cherchent à protéger leurs données, que celles qui souhaitent informer librement le public.

Sur la discussion juridique donc, le droit français ne prévoit pas (article 323-1 du code pénal) que des données doivent être protégées par un dispositif spécifique pour qu’il y ait accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données (de la même façon, même si comparaison n’est pas raison, qu’il n’est nul besoin d’effraction pour que le vol soit reconnu, même si l’assurance ne couvre pas ces cas-là).

Toutefois, il faut que l’intention (comme pour toute infraction, son élément moral) soit prouvée, à savoir la conscience de pénétrer dans un serveur privé (comme lorsqu’on pousse la porte d’un appartement). Donc, soit en contournant une sécurité – même faible, soit en s’apercevant – par exemple – de la nature confidentielle des données. Et c’est justement ici que l’on trouve les limites de l’exercice des sites d’information sur la sécurité, puisque ce qui est cherché ce sont justement les failles et l’existence de données confidentielles non protégées: on peut légitimement supposer l’intention d’accéder à des secrets. Même si la motivation est honnête, l’intention d’un accès frauduleux (non autorisé ou non voulu par son propriétaire) sera donc le cas le plus courant.

Il revient ensuite évidemment à l’expert d’évaluer si le service qui a permis l’accès à ces données était :

  • librement offert à tout visiteur (notamment depuis le site Web de l’entreprise),
  • accessible uniquement en effectuant des recherches poussées (et dans ce cas-là si la personne mise en cause à volontairement ou involontairement trouvé ces données),
  • accessible uniquement en contournant un dispositif de sécurité.

Contrairement à la situation d’entreprises chargées par leurs clients de tester la sécurité de leurs serveurs, un journaliste ne peut se prévaloir dans ces circonstances d’une relation préalable avec l’entreprise testée et donc d’une présomption d’autorisation à accéder aux systèmes et à leurs données – souvent formalisée dans le contrat conclu entre les deux parties.

La loi n’a pas non plus prévu d’exemption générale pour les professionnels, comme ce serait le cas dans l’article 323-3-1 du code pénal en matière de possession d’outils de piratage par des spécialistes en sécurité informatique. Et le droit d’informer ne justifie pas de commettre des infractions.

Et pourtant, il paraît socialement utile, comme le souligne Sid, que le public soit informé de l’existence de défauts (de façon générale) dans la sécurisation des données personnelles qu’ils confient à des tiers.

Cette affaire donc, comme en son temps l’aventure très semblable vécue par un autre journaliste en ligne (Affaire kitetoa.com), démontre clairement la nécessité d’un débat sur les règles juridiques et déontologiques à appliquer aux sites d’information sur la sécurité informatique. Cela renvoie aussi au débat sur une obligation qui devrait bientôt peser sur les opérateurs de communications électronique de signaler les atteintes importantes aux données personnelles qu’ils administrent et que va introduire le Paquet télécom: faut-il généraliser ce principe à tous les professionnels ? Un événement tel que celui vécu par un grand intermédiaire financier américain en début d’année serait-il rendu public en Europe ou en tous cas ses clients informés ?

Des noms de domaines enregistrés via proxy ou un service d’anonymisation

tldL’ICANN publiait le 1er octobre dernier un projet de rapport sur les noms de domaines enregistrés au travers d’un service d’intermédiation ou d’anonymisation. C’est un des sujets qui préoccupe souvent les enquêteurs et que j’ai d’ailleurs évoqué dans l’ouvrage que j’ai écrit avec Guillaume Desgens-Pasanau [1].

Dans l’étude présentée par l’ICANN – avec l’aide du NORC (National opinion research centre de l’Université de Chicago), un échantillon de 2400 noms de domaines a été sélectionné parmi les 5 plus grands TLDs (.com, .net, .org, .biz, .info). Il en ressort que 15 à 25 % des noms de domaine observés ont été enregistrés grâce un service permettant d’anonymiser les informations.

Selon les règles de l’ICANN, les bureaux d’enregistrement doivent recueillir et publier sur les serveurs Whois:

  • le nom de domaine,
  • les serveurs DNS associés,
  • les dates de création et d’expiration,
  • les informations de contact du propriétaire, techniques et administratives.

Deux types de services sont offerts:

  • un service de garantie de la vie privée (ou d’anonymisation, privacy en anglais) en masquant certaines informations de contact et en permettant l’utilisation d’une adresse de courrier électronique créée spécialement par le bureau d’enregistrement (il s’agit souvent d’une option payante offerte par le bureau d’enregistrement),
  • un service d’intermédiation (acquisition par proxy), où c’est un intermédiaire qui acquière le nom de domaine et en revend l’usage à l’utilisateur final. Ce sont alors les informations de contact de cet intermédiaire qui apparaissent sur les serveurs proxy.

Les résultats

Les résultats préliminaires sont intéressants. Ainsi, sur la base d’une échelle de 0 (improbable) à 3 (certain), l’utilisation d’un service d’anomyisation ou d’intermédiation est évaluée de la façon suivante:

  • (3) + (2) + (1) = 24,6 % de l’échantillon
  • (3) + (2) = 22,4 % de l’échantillon
  • (3) = 14,6% de l’échantillon

Dans ces cas-là, 85% semblent utiliser un service d’intermédiation et 15% un service d’anonymisation.

Des vérifications supplémentaires sont programmées par l’ICANN pour affiner ces résultats.

Conséquences

Il est particulièrement frustrant pour un enquêteur de consulter le whois d’un nom de domaine en cours d’investigation et de découvrir qu’aucune information n’est réellement utilisable. Il y a deux types de démarches qui sont rencontrées: la souci légitime de préserver sa vie privée et celui, plus questionnable mais finalement compréhensible, d’empêcher l’identification lorsqu’on commet des infractions grâce à l’utilisation du nom de domaine.

Si l’on cumule cela avec le fait que ces informations sont le plus souvent déclaratives et fausses ou que de toutes façons il sera impossible pour l’enquêteur d’obtenir une quelconque information complémentaire auprès du bureau d’enregistrement (parce qu’il ne répondra pas à la  requête de l’enquêteur ou bien que les autorités du pays concerné ne coopéreront pas), on comprend la difficulté du problème.

En France, la loi pour la confiance dans l’économie numérique et les règles mises en place par l’AFNIC pour les domaines qu’elle gère permettent d’avoir de biens meilleurs retours, tout en préservant si nécessaire la vie privée, mais ce n’est pas le cas dans l’ensemble des régions du monde. Il serait d’ailleurs intéressant de faire une étude semblable montrant le taux d’utilisation des services de proxy ou d’anonymisation dans les domaines rencontrés dans les enquêtes judiciaires… Une étude similaire parmi les domaines de premier niveau européens et en particulier le « .eu » serait tout aussi intéressante.

En tous cas, c’est déjà une bonne chose que l’ICANN commence à étudier ce phénomène, il sera plus intéressant de savoir si des solutions seront proposées pour permettre aux enquêtes judiciaires de se dérouler.

[1] L’identité à l’ère numérique, G. Desgens-Pasanau & E. Freyssinet, Dalloz, collection Présaje, ISBN 978-2247080618

Des images utilisées pour commander des botnets

monkif-secureworksIl y a quelques jours, j’évoquais l’utilisation des groupes de discussion de Google pour diffuser les commandes d’un botnet. Les chercheurs de SecureWorks (CTU Counter Threat Unit) ont ainsi mis au jour un nouveau mode de distribution de ces ordres : l’utilisation d’images diffusées par des serveurs Web. C’est en observant le fonctionnement du botnet DIKhora/Monkif qu’ils ont pu faire ces observations. Il s’agit d’un cheval de Troie apparu apparemment assez récemment (08/2009) et encore peu documenté.

Cette méthode est particulièrement astucieuse, dans la mesure où elle sera le plus souvent indétectable pour les outils de filtrage des entreprises. En effet, quoi de plus banal sur un réseau que la visualisation d’images via une connexion HTTP. Ce type de canal caché n’est pas complétement nouveau dans sa conception, au sens où des images mouchards sont souvent utilisées pour permettre le décompte de visites sur des sites Web.

Mais ici, le procédé est encore plus astucieux : l’image téléchargée présente non seulement un nom de fichier caractéristique d’un JPEG, avec une extension en « .jpg », mais possède un en-tête  identique à ces images. L’en-tête d’un fichier est constitué – le plus souvent – par les premiers octets d’un fichier et constituent une sorte de signature  qui va indiquer au système d’exploitation ou au logiciel d’affichage à quel type de fichier il a affaire, et parfois quelle version du format de fichier est utilisée.

La technique (décrite aussi ici) est la juxtaposition de 32 octets typiques du début d’un fichier JPEG, suivis d’une commande pour les machines zombies embrouillées par un codage spécial (un XOR avec la valeur 4). Dans l’exemple cité, les concepteurs n’ont même pas pris la peine de rendre le fichier affichable. Mais sachant qu’une image JPEG peut contenir des commentaires (par exemple en utilisant le codage EXIF qui permet d’ajouter à une image des informations collectées pendant la prise de vue telle que la position GPS ou la marque de l’appareil photo), il est parfaitement imaginable de camoufler ces commandes de façon beaucoup plus difficile à détecter.

A suivre donc, et cela milite peut-être pour une évolution des pare-feux installés sur les réseaux des entreprises.

Guerre des hackers: Pakbugs.com attaqué

pakbugs

F-Secure le relevait hier, le site pakbugs.com subit des attaques répétées depuis plusieurs jours. Ce forum où s’échangent les techniques de piratage, mais où sont aussi commercialisées des numéros de carte bancaire et autres produits d’activités illicites n’était plus accessible hier, mais est à nouveau visible aujourd’hui.

Un groupe arborant la signature « WAR Against Cyber Crime » a ainsi revendiqué cette action sur la liste de discussion de Full Disclosure, l’accompagnant d’une liste supposée d’utilisateurs de ce forum, invitant les services d’investigation à se pencher sur leurs cas.

En France aussi, rappelez-vous…

Ce type de forums n’est pas présent qu’à l’étranger. Ainsi, en novembre 2008, la gendarmerie nationale interpellait les participants à un groupe warez (leurs activités étaient ici centrées sur la contrefaçon de vidéos, mais étaient aussi facilitées par des atteintes à des systèmes de traitement automatisé de données, ou de nombreux autres dossiers précédents et à venir, comme en mai 2008, une enquête de la gendarmerie menait à l’interpellation de 22 personnes animant un forum très semblable à Pakbugs.

Quid de Pakbugs?

www.pakbugs.com, pakbugs.com ou india.pakbugs.com sont hébergés sur deux serveurs Web distincts. Le premier est hébergé actuellement en Allemagne sur une adresse IP d’un serveur de la société Hetzner… Les deux autres sont hébergés aux Etats-Unis.

Le nom de domaine est enregistré depuis le 03/01/2009, sous une identité vraisemblablement inventée. En mai 2009, ce groupe se présentant comme d’origine Pakistanaise revendiquait le piratage du site Web de Google Maroc, au mois d’août 2009 du site Web du gouvernement Pakistanais (www.sindh.gov.pk). On en trouve des traces sur Zone H.

La liste révélée par le groupe de corsaires revendiqué est inexploitable sur le plan juridique, puisque la source ne peut pas en être vérifiée (et pour certaines législations son origine illégale posera problème). Il serait certainement plus efficace que ce type de groupes fasse l’objet d’investigations de la part du pays hôte (d’ailleurs une enquête est peut-être en cours et cette action illégale a pu y nuire!).

A suivre donc !

Cybercriminels: une économie souterraine

Canaux de discussion IRC utilisés par les cybercriminels (Image: Symantec)

Canaux de discussion IRC utilisés par les cybercriminels (Image: Symantec)

Le 17 septembre 2009, David Goldman de CNNMoney.com publie une enquête sur les activités des cybercriminels telles qu’elles sont perçues aux États-Unis.

Il replace d’abord les choses sur le terrain adéquat: aujourd’hui les cyberdélinquants sont avant tout motivés par le gain financier. Effectivement, grâce aux multiples scénarios d’escroquerie développés, ce sont des milliards d’euros qui sont à leur portée. Le premier vecteur de ces méfaits serait la diffusion de logiciels malveillants selon l’article.

Une fois les informations personnelles des victimes récoltées grâce aux divers chevaux de Troie, les escrocs décrits dans l’article se retrouvent sur de véritables places de marché confidentielles organisées sur des canaux de discussion IRC privés. $0.98 pour un numéro de carte de crédit acheté en gros ou $10 environ pour une identité « complète ».

Des intermédiaires fournissent des services particulièrement utiles pour ce commerce: vérification de la validité de la carte bancaire, transfert d’argent sur des comptes offshore,… Certains de ces intermédiaires sont en fait des victimes malgré elles, les « mules » qui croient – avec plus ou moins de bonne foi – travailler pour un employeur étranger. Ainsi il leur est demandé de retirer l’argent qui arrive sur leur compte bancaire ou un colis à la poste pour le réexpédier ailleurs dans le monde, contre une rémunération de 10 à 15% de la valeur.

Les enquêteurs du FBI déclarent avoir infiltré ces canaux IRC… Albert Gonzales était d’ailleurs l’un de leurs informateurs.

Vu le nombre de victimes dans le monde aujourd’hui, de gros progrès restent à faire en matière de prévention: sur l’efficacité des logiciels antivirus, la détection des courriers électroniques d’escrocs ou tout simplement une bonne information du public qui tombe trop souvent dans le panneau.

Un standard IETF pour la lutte contre les bots chez les FAI

ietflogotrans

Comme pour faire suite à l’article que j’ai publié hier, une information tombe à propos sur le site de SANS : l’IETF (Internet engineering task force), l’organisme qui anime la rédaction des standards de l’Internet, travaille depuis le mois de juillet 2009 sur un projet de standard de recommandations à destination des fournisseurs d’accès pour lutter contre la propagation de réseaux de machines zombies parmi leurs abonnés.

Un élément de plus à rajouter sur ce débat pour un rôle actif des FAI dans la lutte contre ces phénomènes criminels.

Australie: plan de lutte des FAI contre les logiciels malicieux

L’association des fournisseurs d’accès Australiens a publié le 11 septembre un projet de code de conduite pour faciliter la lutte contre la diffusion des logiciels malveillants chez leurs abonnés.

Il s’agit ici de lutter contre toutes les formes de malveillances qui sont facilitées par les centaines de milliers de machines zombies que constituent les ordinateurs des abonnés à Internet qui ont été infectés par des chevaux de Troie. Ainsi, le client détecté comme participant à de telles activités, par exemple parce qu’il diffuse de très nombreux pourriels, serait alerté par son fournisseur d’accès et sensibilisé sur des mesures de sécurité adaptées.

Les autres mesures proposées, au-delà de l’information de l’abonné, sont la limitation de l’accès, le placement de la connexion de l’abonné dans un environnement qui lui donne des indications sur les mesures de sécurité à appliquer, la coupure temporaire de l’accès à certains ports ou protocoles de l’Internet. Il s’agirait aussi pour les fournisseurs d’accès d’informer les autorités lorsque des incidents particulièrement graves sont détectés qui pourraient nuire au fonctionnement des infrastructures d’importance vitale.

Cette proposition, qui semble présentée de façon assez volontariste par les différents partenaires publics et privés concernés est assez intéressante et semble recevoir le soutien de certains spécialistes en sécurité de l’Internet. D’ailleurs, au-delà de l’assistance aux internautes concernés et des qualités éventuellement préventives de ces mesures vis-à-vis des autres internautes, ce dispositif offrirait aux fournisseurs d’accès Australiens un moyen, reconnu par le gouvernement, de diminuer l’impact des infections de leurs clients sur leurs infrastructures, par exemple offrir un service de meilleure qualité à leurs abonnés (bande passante, accès au serveur d’envoi de courrier électronique, etc.).

L’exemple Australien pourrait-il être reproduit ailleurs et en France notamment ? Il revient évidemment aux différents partenaires d’en discuter. Les débats actuels sur la neutralité du réseau et la coupure de l’accès Internet dans le cadre de la loi dite « HADOPI » donnent un éclairage particulier à cette proposition. Ainsi, quelles précautions faudrait-il prendre pour que l’internaute ne soit pas abusivement lésé par ces mesures ? Dans quel délai l’internaute pourra-t-il obtenir le rétablissement complet de ses services ? Ne peut-on automatiser la détection du rétablissement d’une situation normale sur la connexion de l’abonné ?

Ce chantier mérite en tous cas d’être discuté, dans un univers où l’essentiel des activités illicites sur Internet sont ou peuvent être facilitées par les botnets et autres formes d’action des logiciels malveillants. Corollairement, les spécialistes se posent souvent la question de savoir s’il est légitime ou souhaitable pour une personne officielle (un service d’enquête, agissant éventuellement sous le contrôle d’un magistrat) qui aurait pris le contrôle d’un serveur de commande de botnet de commander à l’ensemble des machines victimes de désactiver le logiciel malveillant ou afficher un message d’alerte officiel sur l’écran de la victime. Ces mesures, peut-être impressionnantes, seraient très certainement efficaces, mais comment les encadrer ? Quelles mesures de communication devront les accompagner ?

En conclusion, il est grand temps d’envisager et de discuter sérieusement des solutions industrielles et de grande ampleur face au phénomène des logiciels malveillants qui a pris lui-même une dimension industrielle.

Les pirates ont pignon sur rue

Un phénomène de plus en plus courant est dénoncé aujourd’hui par un article posté sur Switched.com: la présence de vitrines commercialisant des services de « piratage » divers et variés. Bien évidemment, je ne donne pas dans cet article de lien directement cliquable vers ces sites web dont l’activité est illicite.

Ici ce sont deux sites Web qui sont présentés : yourhackerz.com et slickhackers.com.

Que proposent-ils ? On peut voir sur le site du premier la page d’accueil suivante :

Page d'accueil de YourHackerZ.com

Page d'accueil de YourHackerZ.com

et les services proposés: « Pour 100 dollars, nous crackons les mots de passe des principaux sites de messagerie web ». Ils indiquent être en relation avec slickhackers.com. On y retrouve le même concept, mais étendu à d’autres types de sites comme Facebook mais aussi les mêmes messageries en ligne.

Aparté juridique

Sur le plan juridique, je rappelle que non seulement les services commercialisés par de telles personnes sont répréhensibles pénalement (2 à 3 ans de prison et 30.000 à 45.000 euros d’amende au moins en France, selon que le procédé suppose ou non de modifier le mot de passe), mais de la même façon pour toute personne qui achèterait un tel service ou en utiliserait le résultat. De surcroît, il s’agit vraisemblablement d’un groupe de délinquants rentrant dans la définition de la délinquance organisée, donc susceptibles de circonstances aggravantes.

Creusons un peu le dossier

Le site web que nous examinons ici est hébergé sur une adresse IP (94.194.139.xxx) qui héberge plusieurs sites Web :

  • www.hackfacebookpasswords.com
  • www.yourhackers.net
  • yourhackerz.com
  • www.slickhackers.com
  • www.yourhackerz.com

Un examen des informations d’enregistrement de ces domaines nous donne des informations d’enregistrement pour :

  • Un certain V.M. (pas besoin de mentionner le nom complet pour la démonstration et de toutes façons c’est certainement un alias), chez Dynadot.com
  • Un certain V.S.
  • Un certain M.K.
  • Un certain H.S., dans un autre bureau d’enregistrement (EHostpros.com), avec cette fois-ci une adresse postale au Royaume-Uni.

L’adresse IP du serveur est identifiée elle-même comme correspondant à un serveur hébergé au Royaume-Uni (AS 35228, Beunlimited), qui semble en réalité être un fournisseur d’accès, donc vraisemblablement ici un hébergement artisanal « à domicile » (www.bethere.co.uk). Soit il s’agit de l’abonnement du premier suspect à inquiéter, soit il s’agit d’une machine dont le contrôle a été pris, à l’insu de son propriétaire…

Combien de temps avant que les personnes derrière ce site web soient identifiées et ce site fermé ? En plus, rien ne nous prouve (et je ne vais pas essayer ni les lecteurs non plus !) que le service offert soit réel.

Au passage, on note ici l’utilisation des services de Dynadot qui est souvent cité comme lié à des enregistrements de noms de domaines aux activités peu recommandables, tout simplement parce que cette société offre des services d’anoymisation et certainement des tarifs attractifs. Apparemment ces sites web sont en ligne depuis le début de l’année 2008 au moins…

En France, ce ne serait pas simple de mener une enquête sur ce type de site Web. En effet, il n’est possible de rentrer en contact et échanger avec des délinquants supposés (et donc vérifier les services proposés) que pour les infractions liées aux atteintes aux mineurs et de traite des êtres humains, visées par les articles 706-35-1 et 706-47-3 du code de procédure pénale introduits par la loi sur la prévention de la délinquance de mars 2007 (j’ai évoqué ce thème des cyberpatrouilles à plusieurs reprises). Souhaitons que ces dispositions soient étendues aux infractions d’atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

Un mode original de centre de commande : Google groups

groups_logoLes botnets, ces réseaux chevaux de Troie installés sur les ordinateurs de tout un chacun pour organiser des attaques coordonnées, ont besoin d’un mécanisme pour en permettre le contrôle par leur maître. Ainsi, des canaux de discussion IRC, des sites Web ou des réseaux Pair à Pair sont utilisés pour transmettre les commandes de façon quasi instantanée à l’ensemble des machines « zombie » connectées à un botnet particulier.

Des chercheurs de Symantec décrivent dans un article publié le 11 septembre 2009 un mode de commande original: l’utilisation d’un groupe de discussion hébergé chez Google.

Dans l’exemple cité, il s’agit d’une connexion sur un groupe privé « escape2sun », où le maître du botnet publie ses commandes. Ce mode de diffusion des commandes a permis aux auteurs de l’étude de faire un examen approfondi des commandes publiées. L’analyse du cheval de Troie a permis aux auteurs de l’article de déchiffrer les commandes et les réponses des bots.

Dans ce cas précis, il semble qu’il ne s’agisse que d’un essai ou d’un prototype étant donné le faible nombre de machines zombies repérées (de l’ordre de 3000) et les commandes de débogage retrouvées. En tous cas, nous avons ici un nouveau mode de canal caché de contrôle de botnets à ajouter à la liste !