La diffusion de fausses informations n’est pas en soi un phénomène nouveau, mais l’émergence des réseaux sociaux – et leurs mécanismes de viralité – en a permis un développement particulièrement préoccupant au cours des derniers années. Quelles mesures prennent-ils et quels progrès doivent-ils encore réaliser?
Prévenir ou lutter contre les fausses informations est complexe pour deux raisons principales:
- On est dans le domaine de la liberté d’expression, avec un champ particulièrement large de motivations à la création ou à la rediffusion de fausses informations. En particulier, un certain nombre des informations qui sont qualifiées de fausses peuvent dans certains cas relever du débat autour d’une question (on peut se tromper, on peut émettre des hypothèses qui se révèlent fausses). C’est le cas typiquement dans le cadre du débat scientifique.
- Et donc, la diffusion de fausses informations n’est en général pas constitutif d’une infraction pénale, sauf dans certains cas particuliers liés à l’ordre public (art. 27 de la loi sur la liberté de la presse et art. 322-14 du code pénal), au processus électoral (art. L97 du code électoral et LOI n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information) ou à la mise en danger d’autrui (mauvais conseils médicaux, abus de faiblesse commis par certaines sectes réprimés par l’article 223-15-2 du code pénal). Dans certains cas, ce pourra aussi être lié à des escroqueries et plus spécifiquement la diffusion d’informations fausses ou trompeuses liées aux activités des marchés financiers (art. L465-3-2 et L465-3-3 du code monétaire et financier). Enfin, dans certains cas, la diffamation repose sur des informations fausses, mais ce n’est pas obligatoire pour que l’infraction soit retenue.
En outre, la motivation des diffuseurs de fausses informations, quelles qu’en soient les conséquences est variée: trolling et humour, inquiétudes réelles, mais aussi dans certains cas, la volonté de nuire à des personnes physiques ou morales, ou réellement de troubler le débat public.
On observe différents rôles dans ces diffusions de fausses informations:
- Le créateur initial du message
- Les personnes qui rediffusent le même message (simplement ou en le commentant de façon positive)
- Les personnes qui créent un nouveau message contenant la même fausse information ou plusieurs fausses informations rassemblées
- Et dans une certaine mesure, les personnes qui commentent les fausses informations, y compris pour les critiquer
Quel rôle pour les réseaux sociaux et autres plateformes interactives ?
Particulièrement impliqués dans la diffusion des fausses informations, les réseaux sociaux et les autres plateformes qui facilitent la diffusion d’informations (donc y compris les messageries instantanées, forums, etc.) se doivent de protéger leurs utilisateurs contre de telles diffusions si elles sont de nature à causer un préjudice. Bien entendu, la réponse devra être adaptée à la nature du service.
Si on se concentre sur les réseaux sociaux publics, la plupart d’entre eux ont pris des mesures qu’ils explicitent sous des formes diverses:
- Facebook (article de blog en anglais sur le renforcement des mesures)
- Twitter (article de blog sur les informations trompeuses sur les vaccins)
- Google et Youtube (document expliquant la politique globale contre les fausses informations)
- Tiktok (article de blog sur un dispositif d’alerte en cas de partage)
- Snapchat n’affiche pas (voir les règles de communauté) de règles très claires sur la diffusion de fausses informations, sauf à l’occasion d’évolutions de son algorithme (article de blog en anglais de 2017)
Parmi les pratiques courantes:
- Engagement à supprimer les fausses informations sur certaines thématiques (notamment dans le cadre de l’épidémie de COVID-19 actuelle, mais aussi au regard des élections)
- Dans certains cas (notamment sur le COVID-19), insérer sur la base du contenu des liens automatiques vers des sites officiels ou des sites de confiance
- Travail avec des organismes de vérification de l’information indépendants, souvent associés à des médias
- Avertissement au moment de la rediffusion d’un lien ou d’une vidéo
Dans certains rares cas, les utilisateurs peuvent signaler ce qu’ils estiment être une fausse information (Facebook uniquement dans ce que j’ai pu observer). Il semble assez surprenant de ne reposer que sur des méthodes algorithmiques pour détecter des fausses informations.
Face à cette disparité de dispositifs qui, bien entendu, doivent être adaptés à la réalité du fonctionnement de chaque réseau social et à sa volonté de développer une expérience utilisateur spécifique, il me semble que trois éléments clés devraient être absolument mis en oeuvre par tout réseau social:
- Transparence: afficher une politique claire, complète et détaillée de lutte contre les fausses informations;
- Faire confiance à l’usager: lui donner la possibilité simple et rapide de signaler une fausse information, critère parmi d’autres permettant de détecter la diffusion d’une fausse information;
- Supprimer toute fausse information illégale ou dangereuse pour les personnes.
Pour finir, ci-dessous quelques conseils que nous diffusions avec Europol il y a quelques mois dans le cadre de l’épidémie de COVID-19: