Les terribles évènements du 22 juillet à Oslo ont entraîné le débat plus que prévisible de l’impact d’Internet sur les actions du principal suspect. Alors que l’enquête ne fait que commencer, que la douleur des familles est loin d’être apaisée, les commentateurs sont appelés sur les plateaux de télé pour évoquer l’impact d’Internet sur de tels actes de terreur. Ce soir, Laurent Joffrin (@laurent_joffrin) s’essaie au difficile exercice de dessiner les sources d’inspiration possibles du terroriste. Bien évidemment il cite parmi les hypothèses probables l’accès facile à certains débats de haine sur Internet, et conclut en soulevant le danger de laisser notamment se développer sans contrôle certains sites Internet francophones. On lira aussi cette interview de Jean-Yves Camus sur Rue89.
De façon toute aussi évidente, les enthousiastes de l’Internet, se sont empressés de critiquer ces points de vue, certains n’hésitant pas à nier le rôle que peut jouer un outil de communication aussi puissant dans les grands évènements de notre société.
Dans le cas présent, même s’il est certainement beaucoup trop tôt pour conclure trop radicalement, il semble parfaitement légitime de questionner l’usage qu’Anders Breivik a pu avoir d’Internet, ne serait-ce que par sa façon de mettre en scène sa présence sur le net quelques heures avant de s’en prendre à des dizaines d’innocents.
Une fois de plus ne mettons pas la tête dans le sable
Voilà quelques mois, j’invitais mes lecteurs à ne pas faire l’autruche, et se rendre compte que oui, Internet, ce média formidable de communication et de développement de nos sociétés, est aussi abusé et la délinquance sous toutes ses formes, notamment portant atteinte aux mineurs, s’y développe, peut-être un peu plus vite ou de façon plus variée que si Internet n’existait pas.
Dans le cas présent, il faut se rappeler à cette réalité: oui, Internet a pu jouer un rôle. Et non, ça ne veut pas dire qu’Internet est responsable (ça n’aurait d’ailleurs pas de sens), mais il est parfaitement irresponsable de ne pas se rendre compte, notamment pour les professionnels de l’Internet, que les messages de haine, les théories les plus saugrenues sur notre société, se propagent plus vite, se développent plus vite et ont peut-être une influence plus rapide et plus efficace sur certaines personnes, grâce à ces mêmes technologies formidables qui rendent les échanges plus riches chaque jour, la communication plus libre et la pensée certainement plus riche.
Une prise de conscience nécessaire pour le bien d’Internet
De la même façon qu’il n’est pas vraiment raisonnable de renoncer au progrès dans les moyens de transport, parce qu’ils présentent des risques, parce qu’on peut avoir un accident sur la route ou se faire agresser dans un train, il faut favoriser les comportements et développer les technologies qui aideront à faire qu’Internet soit plus sûr et à en maîtriser les dérives les plus graves, tout en préservant les bienfaits qu’il apporte.
Le problème est l’amalgame qu’il y entre Internet (l’outil de communication), et l’utilisation qui en est fait (diffusion des message de haine etc….)
Si dans une émission télé, des personnes sèment des messages de haine racial (pour l’exemple on les nommera M LP, CG, et BH) et que quelqu’un passe a l’acte après avoir entendu ces propos, personne ne dira que c’est de la faute de la télévision et on dira qu’il est éventuellement possible que se soit indirectement la faute de M LP, CG, et BH.
Donc en résumé, non ce n’est pas la faute d’Internet, mais des sites aux idées nauséabondes, et les média dit traditionnels ne devraient pas pointer du doit Internet, mais plutôt dénoncer la dangerosité des ces sites.
Oui tout à fait.
Vous n’avez pas idée du nombre de gangsters ou de pédophiles qui utilisent le téléphone pour préparer leurs méfaits. Il ne faut pas se voiler la face. Techniquement, les outils automatiques permettant de mettre sur écoutes l’ensemble des téléphones français existent et pourraient être utilement déployés. Il faut favoriser les comportements et développer les technologies qui aideront à faire que le téléphone soit plus sûr et à en maîtriser les dérives les plus graves, tout en préservant les bienfaits qu’il apporte.
Zythom: ici vous noyez le poisson en vous limitant à une vision de l’Internet comme outil technologique, alors que c’est un écosystème avec des vraies personnes qui interagissent. Votre réponse est trollesque… désolé 🙁
La téléphonie n’est pas un écosystème avec des vraies personnes qui interagissent ?
Prenez un peu de recul et on en reparle 🙂 C’est vous qui lancez un troll sur un système d’écoute généralisé, alors assumez. Si on suivait votre raisonnement, il n’y aurait pas d’airbags dans les voitures aujourd’hui, ni de glissières de sécurité sur les autoroutes.
Mais il y a de la sécurité sur Internet, des services spécialisés, des gendarmes du net. Les moyens existent et me semblent appropriés. Pourquoi vouloir placer des caméras dans les voitures en plus des airbags dès qu’un conducteur se fait remarquer ?
Vous présentez des solutions toutes faites, volontairement exagérées. Je n’ai pas dit qu’il fallait « plus » de quoi que ce soit. J’attire juste l’attention sur les discours par trop angéliques qui ont tendance à fleurir et nient qu’il y ait des problèmes sur Internet et qu’il faille s’en occuper. Mais si votre analyse est qu’il y a assez de moyens et assez d’outils juridiques pour faire face à ces problématiques, vous vous trompez.
J’attends avec impatience les solutions auxquelles vous pensez en disant qu’il faut « développer les technologies qui aideront à faire qu’Internet soit plus sûr et à en maîtriser les dérives les plus graves ».
Je n’ai pas la prétention d’avoir la réponse à toutes les questions. Mais par exemple lorsque des personnes appellent au meurtre, en s’abritant derrière des sites hébergés à l’étranger et le concept de la liberté d’expression, il est nécessaire qu’on trouve une solution pour les identifier.
Des appels au meurtre, dans la vraie vie, il y en a tous les jours. Une simple recherche sur Google de la chaîne de caractères « je vais le tuer » me retourne 385 000 réponses.
Qu’est-ce qu’un appel au meurtre?
Comment allez-vous estimer le risque de passage à l’acte?
Comment allez-vous déterminer le sérieux de la menace?
Vous prenez l’exemple d’une personne cachée derrière un sites hébergé à l’étranger. Il me semble que cela n’empêche pas les enquêtes d’aboutir avec certains résultats, surtout en matière de terrorisme. C’est certainement délicat, cela demande certainement des spécialistes, mais les recoupements d’informations permettent souvent de remonter à la personne.
Que demandez-vous? Plus de moyens, plus d’outils techniques de traçabilité, plus de surveillance?
Quelles sont les solutions auxquelles vous pensez? C’est la question centrale.
Comme le dit Sébastien, Internet n’est qu’un outil, qui n’a rien ni de bon ni de mauvais en soi. Il peut aussi bien servir à propager des messages de haine que d’amour et respect entre les peuples. Ceux qui le diabolisent ne révèlent en fait que leur propre désarroi face à son essor. Leur méconnaissance des nouvelles technologies leur fait craindre ce « TGV » qui transforme nos façons de vivre et leur fait voir que ses mauvais usages.
Et dire que c’est trop souvent ce type de personnes qui doivent décider des solutions pour se protéger contre les bad guys du net…
Oui, mais ce n’est pas tout à fait le point que je cherchais à développer. La question c’est plutôt l’exagération dans l’autre sens qui vise à dire qu’Internet c’est merveilleux et refuser d’envisager qu’il puisse y avoir des abus, ou que ces abus doivent être traités.
Quoi ? Internet n’est pas un merveilleux espace peuplé que de bisounours ? 😀
La question ardue : quels abus traiter et comment les traiter…
Je suis fort heureux de constater que certains luttent contre une vision manichéenne des choses. En même temps qui peut prétendre (quelque soit le sujet dont on parle) que tout soit ou tout blanc ou tout noir ?
Remarquez que Hitler (non, ceci n’est pas un point Goldwin, juste un exemple) et Mussolini, tous deux autodidactes ratés de Nietzsche, se sont servis des textes de ce grand philosophe pour appuyer leurs thèses et fonder leur idéologie. Et depuis, force est de constater que l’on a ni interdit l’auteur en question, ni les livres, bien que le Führer ait aussi écrit un manifeste (que l’on trouve en vente car c’est devenu un texte d’étude historique).
Tout cela pour dire quoi ? Que non, comme cela a été souligné, le média n’est pas responsable. Mais à mon sens, le livre ou le site ne l’est pas plus. Dans tous les cas, c’est l’Homme (qui jusqu’à preuve du contraire est doué de libre arbitre) qui est responsable de ses actes ou de ses écrits.
Si on demande qui a inspiré Nelson Mandela, qui a inspiré Gandhi, qui a inspiré Martin Luther King, Que va-t-on me répondre ? Alors qu’à la question « Qui a inspiré Anders Breivik ? » tout le monde aura sa longue liste de réponse. Ce que je veux montrer par ma comparaison (et n’y cherchez pas autre chose) c’est que l’on oublie d’imputer un acte horrible en premier lieu à celui qui l’a commis.
Il n’y a pas de dérive des Internet, il y en a seulement lorsque l’on parle d’Homme. On peut tuer avec une voiture par accident, mais on ne peut décider d’un massacre, ou tenir un discours raciste/xénophobe/antisémite… (rayez les mentions inutiles) par accident.
Contrôler la pensée et le discours des Hommes est, selon moi, impossible. Interdire des réunions, des forums où se trouvent des propos illégaux l’est, mais elle ne résout pas le fondement du problème. L’Homme reste toujours libre de ses actes, qu’ils soient bons ou mauvais, et la société peut sanctionner ceux qui sont contraire à ses lois, mais que l’on ne prétende pas pouvoir les empêcher, car rien ne peut lutter contre la détermination d’un être humain, encore moins quand celui-ci est fou.
En revanche, on peut chercher à éviter qu’il ne lui arrive entre les mains des objets physiques, dont on peut se saisir : les armes.
Pardonnez-moi, mais je pense que dans cette histoire, on se trompe de débat…