Usurpation d’identité

Usurpation d’identité, Jeux dangereux

Assemblée nationale (Photo: GPL)

Le débat sur la LOPPSI s’achève bientôt en première lecture à l’Assemblée Nationale. L’objet de ce billet est d’aborder deux dispositions de ce texte, telles qu’elles ont été votées aujourd’hui 11 février 2010: l’usurpation de l’identité sur Internet et la diffusion de messages incitant aux jeux dangereux pour les enfants (le “jeu du foulard” par exemple).

L’usurpation d’identité en ligne

L’article 2 de ce projet de loi prévoit une nouvelle incrimination pour certaines formes d’usurpation d’identité commises sur les réseaux de communications électroniques. Le texte issu du vote d’aujourd’hui est le suivant:

Art. 222-16-1. – Le fait de faire usage, de manière réitérée, sur un réseau de communications électroniques, de l’identité d’un tiers ou de données de toute nature permettant de l’identifier, en vue de troubler la tranquillité de cette personne ou d’autrui, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
Est puni de la même peine le fait de faire usage, sur un réseau de communications électroniques, de l’identité d’un tiers ou de données de toute nature permettant de l’identifier, en vue de porter atteinte à son honneur ou à sa considération.

Ainsi, deux modifications ont été apportées au projet issu de la commission des lois de l’assemblée nationale:

  • La suppression de la notion de réitération. En effet, l’objectif assigné au texte est de réprimer l’usurpation de l’identité dès lors qu’elle a pour intention de troubler la tranquillité d’une personne, ce qu’un seul de ces abus peut entraîner grâce à l’effet multiplicateur d’Internet.
  • La modification de la mention qui visait à recouvrir les formes de l’identité qui sont utilisées sur les réseaux de communication (pseudonymes, adresses de courrier électronique, …) pour la formule soulignée ci-dessus: “données de toute nature permettant de l’identifier”.

Plusieurs questions sont apparues dans le débat qui feront peut-être l’objet de clarifications lors des prochaines étapes du travail parlementaire:

  1. Couvre-t-on le cas des services de communication au public en ligne ? Les réseaux sociaux notamment ?
  2. De même, que penser des identifiants qui ne sont pas spécifiques à une personne ? En effet, le même pseudonyme peut-être utilisé par plusieurs personnes, dans des contextes ou à des moments différents, sans qu’il y ait d’intentions malhonnêtes, juste par le fait du hasard.
  3. L’objectif étant de viser l’usurpation d’identité sur les réseaux, n’interdit-on pas par la même occasion la possibilité d’utiliser l’image d’une personne à des fins légitimes ?

Sur le premier point, l’ensemble de ces services étant supportés par des réseaux de communications électroniques (la communication au public en ligne est en réalité une forme de communication supportée par les réseaux de communications électroniques), les réseaux sociaux et autres formes de communications en ligne sont couverts.

Sur le second point, je pense que les preuves collectées en vue de déterminer l’élément intentionnel de l’infraction devront effectivement démontrer la volonté d’abuser de l’identité d’un tiers en particulier, donc cet écueil semble écarté en première analyse.

Sur le troisième point, l’intention du législateur semble suffisamment claire pour que le contexte de l’usurpation d’identité sur les réseaux soit l’unique motivation retenue.

Les jeux dangereux pour les enfants

Le “jeu du foulard” et d’autres formes de jeux dangereux pratiqués par les jeunes adolescents et parfois de plus jeunes enfants occupe trop régulièrement l’actualité et de même qu’il est reproché la diffusion de certains messages incitant à des pratiques alimentaires dangereuses (anorexie), ou l’assistance au suicide (situation déjà réprimée par les articles 223-13 et suivants du code pénal), la publication de messages ou de vidéos faisant la promotion de ces jeux dangereux a été identifiée comme une cause possible de leur développement.

Ainsi, en octobre 2009, deux députés du groupe UMP de l’Assemblée nationale, Patrice Verchère et Cécile Dumoulin ont publié un rapport sur ce sujet qui faisait un certain nombre de propositions, dont des mesures de sensibilisation qui sont évidemment nécessaires pour prévenir ces actes, mais aussi l’aménagement de l’article 227-24 du code pénal pour réprimer la diffusion de ces contenus vers les plus jeunes.

Le texte, issu de l’amendement n°185 discuté aujourd’hui, aurait cette forme:

Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou à inciter des mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, soit de faire commerce d’un tel message, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende lorsque ce message est susceptible d’être vu ou perçu par un mineur.

Lorsque les infractions prévues au présent article sont soumises par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle ou de la communication au public en ligne, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables.

A noter que cette disposition a été votée à l’unanimité des députés présents, avec l’avis favorable du gouvernement et du rapporteur, M. Eric Ciotti. (L’amendement n°8 qui voulait étendre le blocage des sites pédopornographiques aux contenus relevant de l’infraction de l’article 227-24 a été retiré au cours des débats).

En clair, de tels messages ne sont pas illégaux, mais on doit empêcher les mineurs d’y accéder, ce sont bien eux qu’on cherche à protéger.

Les difficultés habituellement rencontrées dans l’application de l’article 227-24 subsistent toutefois. Comme le Forum des droits de l’Internet le rappelait les recommandations du groupe de travail “Les enfants du Net”, il est difficile aujourd’hui de mettre en œuvre des solutions adaptées au contrôle de la majorité des visiteurs sur un site Internet. Toutefois, cela incitera – pénalement – les professionnels qui seraient amenés à héberger de tels contenus de prendre les mêmes mesures qu’ils prennent pour empêcher les mineurs d’y accéder (absence de publicité pour ces sites destinée aux mineurs, messages d’avertissements, marquage des pages pour en faciliter la détection par les logiciels de contrôle parental, etc.).

La suite donc sur ces deux nouveaux types d’infraction lors des débats au Sénat, qui pourrait se tenir à la mi-avril.