juillet 2011

Enquête sur un phising par Twitter

Ce matin, je suis surpris par un message un peu incongru d’un de mes contacts sur Twitter:

Guidé uniquement par ma curiosité je décide de suivre le lien qui m’amène sur une page http://mspaworldwide.net/twitter/ qui ressemble en tous points à la page d’accueil de Twitter:

Un petit regard au code source finit de me convaincre qu’il s’agit bien d’un phishing:

et … si l’on remplit le petit formulaire de connexion on est finalement redirigé sans encombre sur la vraie page de twitter (qui, si on est déjà connectés, affiche de toutes façons la liste des publications de nos contacts). Rien de très “high-tech” donc.

Je suis déjà surpris que de nombreuses heures après le début de cette campagne de phishing mon navigateur n’affiche pas une alerte (testé sous Chrome, Firefox, Internet Explorer, à cette heure – 12:07 – seul ce dernier affiche une alerte). Au passage toujours, Twitter utilise http://t.co/ pour relayer ce lien (quand on clique dessus en réalité on passe par http://t.co/2acFQb3 avant d’être redirigé vers le lien original en tinyurl) qui est un domaine censé permettre à Twitter de lutter contre ce genre de problèmes:

Apparemment leur système n’a pas encore détecté le problèmeLes pages d’aide de Twitter nous indiquent qu’on peut signaler les abus de http://t.co/ en envoyant un message à tcoabuse@twitter.com, ce que je viens de faire évidemment.

Je ne sais pas si mon contact a laissé accès à son compte à une application mal intentionnée ou a succombé à la tentative de phishing elle-même… dans l’un et l’autre cas l’ensemble de ses contacts ont donc pu recevoir un message direct les invitant à visiter cette page. (15:27: La victime me confirme que c’est passé par le site de phishing lui-même, pas d’application en cause).

Si vous-même êtes tombés dans le panneau, pas trop d’inquiétude et suivez les indications du support de Twitter pour changer votre mot de passe. Je vous conseille de supprimer aussi les messages directs qui doivent apparaître dans votre compte à destination de vos amis (même si les courriers électroniques d’alerte sont sûrement déjà partis…).

Je ne suis pas le premier à parler de ça, bien évidemment (comme ici par exemple et @gcluley en parlait au début du mois de juillet dans un de ses articles, ou encore (17:18@5ct34m il y a quelques jours qui notait qu’on retrouvait la même IP derrière une URL différente).

Epilogue concernant le site de phishing lui-même (14:19): il est hébergé en Chine. En outre, l’adresse IP hébergeant le site Web de Phishing est 220.164.140.252, qui renvoie, à l’heure où j’écris ces lignes (17:25) à des noms de domaine aux noms intéressants comme iltwitter.com, itiwitter.com ou ltwitteri.com entre autres (voir l’image agrandie pour en apercevoir la liste):


Je pense que seul Twitter peut nous en dire plus sur quelles adresses IP se connectent sur les comptes des victimes. Les infractions que l’on pourrait viser pour cette affaire sont essentiellement celles de collecte déloyale de données à caractère personnel, accès frauduleux à un système de traitement automatisé de données et peut-être le détournement de correspondances privées (les scammers envoient des messages, mais en théorie ils peuvent aussi consulter les autres messages).

Mise à jour (14:51): Chrome n’annonçant toujours pas la page comme du phishing, j’essaie de trouver la fonction qui permet de le signaler. Alors:

  • Ouvrir le menu en cliquant sur la petite clé à molette ;
  • Outils > Signaler un problème… et ensuite on suit le guide !
Sous Firefox, malgré les nombreuses indications quant à leur nouvelle version qui serait encore meilleure en matière de lutte contre le phishing, je n’ai pas trouvé où était la fonction pour signaler un phishing, ni sur leur site d’aide en ligne… Mais bon, comme ils utilisent “Google Safe Browsing“, je suppose qu’il suffit de le faire via Chrome ! Mais c’est dommage de ne pas avoir une fonction intégrée pour signaler un site.

Sous Internet Explorer, même principe que sous Chrome:

  • Affichage du menu 
  • Sécurité… Signaler un site Web d’hameçonnage.
18:12 Suite de l’enquête. Un peu agacé que le site de phishing soit toujours accessible, je me suis amusé à chercher un peu plus loin et j’ai découvert que sur le même serveur il y avait une autre forme de phishing qui se fait passer une application Twitter “StalkTrak”, censée vous indiquer qui vous suit avec des intentions malhonnêtes sur Twitter:

Le fonctionnement est similaire et derrière l’URL http://mspaworldwide.net/app1/function.api.stalktrak.htm vous avez donc un formulaire qui vous invite à nouveau à rentrer votre identifiant et votre mot de passe Twitter, avec un aspect graphique qui ressemble à celui de Twitter.

Ceux qui se sont fait avoir se retrouvent apparemment à faire la publicité de l’application. Topsy nous donne une petite idée du trafic autour de ce site depuis quelques jours (cliquer sur l’image pour l’agrandir):

On note ainsi un pic le 29 juillet, avec un début de propagation le 27.

Stalktrak lui-même (ce qui semble confirmer ce que je rappelais un peu plus haut sur l’adresse IP du serveur suite à une indication de @5ct34m), tourne aussi au moins depuis le début du mois de juillet comme on peut le lire sur cet article de blog (avec une petite vidéo dedans) et où l’on retrouve un des noms de domaine évoqués précédemment.

05 août: Apparemment un nouveau domaine est apparu depuis hier qui délivre les mêmes contenus illégaux : 3xloanstoday.com. Évitez de vous y rendre et signalez le comme site de phishing.

Internet et ses abus: il faut s’y confronter et non les nier

Les terribles évènements du 22 juillet à Oslo ont entraîné le débat plus que prévisible de l’impact d’Internet sur les actions du principal suspect. Alors que l’enquête ne fait que commencer, que la douleur des familles est loin d’être apaisée, les commentateurs sont appelés sur les plateaux de télé pour évoquer l’impact d’Internet sur de tels actes de terreur. Ce soir, Laurent Joffrin (@laurent_joffrin) s’essaie au difficile exercice de dessiner les sources d’inspiration possibles du terroriste. Bien évidemment il cite parmi les hypothèses probables l’accès facile à certains débats de haine sur Internet, et conclut en soulevant le danger de laisser notamment se développer sans contrôle certains sites Internet francophones. On lira aussi cette interview de Jean-Yves Camus sur Rue89.

De façon toute aussi évidente, les enthousiastes de l’Internet, se sont empressés de critiquer ces points de vue, certains n’hésitant pas à nier le rôle que peut jouer un outil de communication aussi puissant dans les grands évènements de notre société.

Dans le cas présent, même s’il est certainement beaucoup trop tôt pour conclure trop radicalement, il semble parfaitement légitime de questionner l’usage qu’Anders Breivik a pu avoir d’Internet, ne serait-ce que par sa façon de mettre en scène sa présence sur le net quelques heures avant de s’en prendre à des dizaines d’innocents.

Une fois de plus ne mettons pas la tête dans le sable

Voilà quelques mois, j’invitais mes lecteurs à ne pas faire l’autruche, et se rendre compte que oui, Internet, ce média formidable de communication et de développement de nos sociétés, est aussi abusé et la délinquance sous toutes ses formes, notamment portant atteinte aux mineurs, s’y développe, peut-être un peu plus vite ou de façon plus variée que si Internet n’existait pas.

Dans le cas présent, il faut se rappeler à cette réalité: oui, Internet a pu jouer un rôle. Et non, ça ne veut pas dire qu’Internet est responsable (ça n’aurait d’ailleurs pas de sens), mais il est parfaitement irresponsable de ne pas se rendre compte, notamment pour les professionnels de l’Internet, que les messages de haine, les théories les plus saugrenues sur notre société, se propagent plus vite, se développent plus vite et ont peut-être une influence plus rapide et plus efficace sur certaines personnes, grâce à ces mêmes technologies formidables qui rendent les échanges plus riches chaque jour, la communication plus libre et la pensée certainement plus riche.

Une prise de conscience nécessaire pour le bien d’Internet

De la même façon qu’il n’est pas vraiment raisonnable de renoncer au progrès dans les moyens de transport, parce qu’ils présentent des risques, parce qu’on peut avoir un accident sur la route ou se faire agresser dans un train, il faut favoriser les comportements et développer les technologies qui aideront à faire qu’Internet soit plus sûr et à en maîtriser les dérives les plus graves, tout en préservant les bienfaits qu’il apporte.

Un chapitre collaboratif ?

Photo de Rahego

Un article un peu inhabituel et court pour lancer un appel à commentaires auprès de mes lecteurs sur leurs sujets de préoccupation du moment en matière de cybercriminalité.

J’ai commencé depuis quelques mois la rédaction d’un livre sur la cybercriminalité et la cybersécurité et l’idée ici est d’en consacrer une partie, soit dans les chapitres déjà prévus, soit dans un chapitre à part, aux questions, aux préoccupations du moment, de mes lecteurs.

A vos claviers ! Toutes les questions et tous les commentaires sont les bienvenus.

Un exemple particulièrement naïf de mail de phishing

Je reçois à l’instant ce message de “phishing” manifeste, et je ne résiste pas au plaisir de le partager et d’en profiter pour parler de ce sujet:

From: "Webmail User Upgrading" <info@mail.com>
Reply-To: webmaster.102@hotmail.com
Subject: Email Upgrade Maintenence.
Date: Thu, 14 Jul 2011 17:22:15 +0630
Message-Id: <20110714105215.M8209@mail.com>
X-Mailer: OpenWebMail 2.53
X-OriginatingIP: 82.128.XXX.XXX (c-tides)
MIME-Version: 1.0
Content-Type: text/plain;
	charset=iso-8859-1
To: undisclosed-recipients:;
X-Spam-Check: DONE|U 0.5/N

Attn: Email Users,

Due to numerous complaints on ongoing recent spam activities on your account,
vital maintainance will be conducted on our Email servers.

To confirm and to keep your Email account active,a confirmation for ownership
must be provided. Confirm the informations below.Failure to do this might
cause a permanent deactivation of your Email Webmail account from our server.

Username : ..................
E-mail Login ID..............
Password : ..................
confirm password:............
Date of Birth :..............
Future Password :............
Telephone Number:...........

Your account shall remain active after you have successfully confirmed your
above requested informations. We apologize for any inconveniences caused as a
result of this notification. We thank you for your prompt attention to this
notification.

Email Technical Support

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Je n’ai pas copié tous les en-têtes et j’ai masqué l’adresse IP d’origine. Le principe en est assez basique:

  • le message est écrit de façon générique, de façon à ressembler pour n’importe quel lecteur trop rapide à un message semblant provenir de son fournisseur de webmail. Notamment, aucune marque n’est utilisée, même si l’adresse de retour est en hotmail.
  • la tonalité du message est alarmiste, c’est une catégorie typique de message de phishing: si jamais vous ne répondez pas rapidement, votre service cessera de fonctionner. C’est un des ressorts de l’escroquerie qui cherche à créer un état particulier dans l’esprit de la victime.
  • les réponses demandées sont assez classiques: login, mot de passe, futur (!) mot de passe, date de naissance, numéro de téléphone. L’objectif est clairement ici d’obtenir accès à des webmails, ce qui permet à la fois de collecter des informations personnelles déjà stockées (des mots de passe reçus par mail par exemple), de procéder à mises à jour de comptes sur d’autres services, obtenir des listes de contacts, renvoyer depuis cette adresse des courriels, etc.
  • le système de gestion de messagerie utilisé est OpenWebMail, installé sur le serveur d’une université Indienne, depuis une adresse IP qui se serait identifiée auprès du serveur comme le club d’entrepreneuriat de l’université.

Aucun prestataire et notamment pas un prestataire de courrier électronique Web ne vous demandera de confirmer votre login et mot de passe par courriel. Lorsque vous lisez et répondez à un message douteux, regardez à la fois l’émetteur du message (le champ From: ici ou De: dans votre logiciel de messagerie) et si vous êtes amenés à répondre, attention à l’adresse de réponse qui vous est proposée (le champ Reply-to: viendra compléter l’adresse de destination automatiquement). La langue enfin: il n’y a aucune raison qu’un prestataire français vous écrive en anglais.

Cet exemple était caricatural, mais je suis convaincu que malheureusement certains tombent dans le panneau. Alors attention aux messages que vous recevez, relisez toujours deux fois un message qui semble important, et n’envoyez jamais votre mot de passe en réponse à un tel message !

Lancement de trois sous-projets de la préfiguration du centre d’excellence français contre la cybercriminalité

Les 23 et 24 juin derniers, les équipes de trois sous-projets du volet français du projet européen 2CENTRE étaient réunis à l’Université de technologie de Troyes. Ce billet pour vous présenter le contenu de ces premiers ateliers.

Formation en ligne des premiers intervenants

L’ambition est ici de créer une formation attractive et accessible pour tous les enquêteurs qui sont confrontés de près ou de loin à des investigations simples sur Internet. Cette initiative a germé lors de travaux communs menés au sein du Ministère de l’intérieur – entre les services spécialisés de la police et de la gendarmerie nationales – au cours desquels nous avons identifié qu’il était complexe de compléter rapidement et efficacement la formation des plus de 100.000 personnels concernés. Il s’agit des policiers et des gendarmes, dans les brigades de gendarmerie et les commissariats notamment, et qui accueillent un public de plus en plus souvent victime d’infractions liées à Internet ou à l’outil numérique, mais aussi dans des services spécialisés lorsqu’ils sont moins souvent confrontés à des infractions spécialisées.

Il a donc été décidé de proposer un module de formation à distance, qui aura l’avantage d’être facile à déployer, à mettre à jour et éventuellement à partager avec d’autres administrations françaises ou étrangères chargées de ce type d’investigations.

Formation en ligne sur l’analyse de Windows 7

Il s’agit ici tout simplement d’offrir un outil de référence permettant aux enquêteurs spécialisés déjà formés (NTECH dans la gendarmerie et ICC dans la police) de mettre à jour leurs connaissances sur les spécificités de Windows 7. Jusqu’à présent nous diffusions ce type de formations complémentaires lors des réunions annuelles (mais tous ne peuvent y assister) ou par la diffusion de documentations.

Ici encore, le produit sera partagé avec nos partenaires européens.

Projet de recherches sur la détection d’intrusions distribuée

Ce dernier projet est un travail collectif qui sera mené sur 18 mois pour permettre le test de méthodes permettant la détection d’intrusions dans des grands réseaux grâce à des méthodes distribuées, avec le souci de rendre les implémentations compatibles avec les besoins de l’investigation numérique.

Ces premières descriptions de nos travaux vous montre, je l’espère, la variété des activités que nous souhaitons développer dans le cadre de cette préfiguration du centre d’excellence français contre la cybercriminalité et l’intérêt de faire travailler ensemble des acteurs provenant de différents univers (services d’enquête, monde académique, entreprises).